
Je me prends à songer combien ce monde n’est que vent : de peu de durée, plein de tristesse, sans certitude ni bonne foi ; les plus grands ne peuvent se prémunir contre Fortune et Malheur, et il y a tant de corruption qu’à peine voit-on des gens purs. Je pensais aux ambitions, aux guerres, aux épreuves, aux trahisons, aux embûches qui y règnent, et aux graves fautes que l’on y commet ; quel grand malheur que l’on craigne si peu les péchés. Je m’étonnais – d’où vient qu’on ne peut se tenir en paix ? Sous le firmament, tout se livre la guerre ; pas seulement sur la terre, où les hommes se combattent tant, mais même dans l’air il y a conflit : les oiseaux de proie chassent les autres, les poursuivent et les tuent ; ceux-ci, les craignant par nature, les fuient et les redoutent. Mais les vrais malheurs sont sur terre ; tout le monde est embarrassé de guerres et, plus les gens sont riches, moins ils aiment leur parentèle et plus ils s’attaquent, tout armés et lances baissées ; ou alors ils assaillent leurs voisins. (…) Ainsi, dans cette disposition de pensée, je réfléchissais au pourquoi et au comment, et me demandais pourquoi même les bêtes, en liberté aussi bien qu’en captivité, se livrent bataille, se font mordre la poussière et s’entre-tuent. Un désir dénaturé les pousse ; de même que les grands, les petits animaux se malmènent, se mutilent l’un l’autre et se détruisent. Et l’on peut souvent voir les poissons dans la mer s’armer et hérisser leurs piquants ; c’est pour ne pas être engloutis par les grands poissons, qui veulent les dévorer et les éventrer. Tout tourne à la rébellion ; il ne s’agit pas seulement des hommes, mais toutes les créatures vivantes (…).



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