Histoire de Rome : de Rémus et Romulus à la première année de la République (753-509 av. J-C)

L’histoire romaine s’étend sur une période de quasiment 1 500 ans. Autrement dit, on ne peut pas considérer cette période comme homogène : Romulus est distant de Jules César comme nous le sommes de Philippe Auguste aujourd’hui.

  1. La légende de Rémus et Romulus : Fondation de Rome selon la mythologie
    1. Le règne de Numa Pompilius : Développement religieux et pacification de Rome
    2. Le règne de Tullus Hostilius : Guerres et expansion de Rome
    3. Les rois étrusques et la fondation de Rome : Influence et héritage
    4. Les rois étrusques Tarquin l’Ancien et Servius Tullius
    5. Le règne de Tarquin le Superbe : le viol de Lucrèce et la chute de la République Romaine
    6. La naissance de la République Romaine en 509 av. J-C : une ère de 500 ans

La légende de Rémus et Romulus : Fondation de Rome selon la mythologie

D’après la légende, à l’issue de la guerre de Troie (racontée par Homère et, bien plus tard, par Virgile), Enée a fui la Grèce pour venir s’installer dans le Latium, en Italie, et créer la ville de Lavinium. A Albe la Longue, située à 20 km au sud de Rome, ses petits-fils, Rémus et Romulus naissent et sont, de fait, les descendants d’une famille royale. Selon la légende toujours, les jumeaux seraient les enfants de Réha Silvia, une vestale (prêtresse) et de Mars, le dieu de la guerre. Rhéa Silvia est la fille du roi légendaire d’Albe-la-Longue mais a été écartée du trône par son frère Amulius. Celui-ci, craignant que Rémus et Romulus lui reprennent le trône les a jeté au Tibre. Recueillis d’abord par une louve (une prostituée) et par Faustulus, un pasteur. Ils vivent d’abord comme pasteurs et décident de créer une ville. Rémus choisit de la fixer sur l’Aventin et Romulus choisit le Palentin. Dans des circonstances floues, Romulus finit par tuer Rémus et fonde Rome en -753. A ce propos, signalons que la date a été fixée au Ier siècle av. J-C par Varron, un savant romain.

Romulus est donc le premier roi de Rome. La cité est peuplée d’hommes et, pour augmenter le nombre de femmes, Romulus organise une fête en l’honneur du dieu Neptune. Il y convie les Sabins, un peuple voisin de Rome, et organise l’enlèvement des femmes. Cet épisode, l’enlèvement des sabines est passé à la postérité et a durablement marqué la rivalité entre les romains et les sabins. Au final, une paix et une alliance sont conclues entre Romulus et Titus Latius, le roi des Sabins. Le règne de Romulus est marqué par trois guerres : contre Acron, le roi des Caeniniens, contre Cameria et contre les Etrusques de Véies.

Le règne de Numa Pompilius : Développement religieux et pacification de Rome

A la mort de Romulus, le roi Numa Pompilius lui succède. Contrairement à son prédécesseur, il ne mène aucune guerre et développe les différents cultes de Rome. Son règne est donc marqué par le développement de la religion et par une rupture nette avec Romulus.

Le règne de Tullus Hostilius : Guerres et expansion de Rome

Ensuite, Tullus Hostilius succède à Numa et revient sur un régime militaire similaire à celui de Romulus. Il mène la guerre contre les étrusques de Fidènes et Véies, contre les sabins et contre la métropole albaine. Albe est détruite et ses habitants sont transférés à Rome. Le règne de Tullus Hostilius est également marqué par la lutte des Curiaces et des trois Horaces. Selon Tite-Live, les Horaces seraient des champions de Rome et les Curiaces seraient des champions d’Albe-la-Longue. Deux des Horaces auraient été tués et les trois Curiaces ont été blessés. Le troisième Horace aurait, par la ruse, tué les Curiaces. Il aurait également tué Camille, une femme pleurant l’un des Curiaces et aurait été condamné à mort mais, au final, aurait été gracié par le peuplé. Le successeur de Tullus Hostilius, Ancus Marcius, s’inscrit dans une perspective à la fois complémentaire de Numa et de Tullus et différente. Au début de son règne, il poursuit le développement des cultes comme Numa a pu le faire, il fait ensuite la guerre contre ses voisins comme Tullus, mais il développe également l’activité économique de Rome. Il crée notamment le port d’Ostie et développe l’exploitation des salines du Tibre.

A sa mort, en 616 av. J-C, c’est la fin des « rois légendaires » de Rome et c’est le début des rois Etrusques qui sont, selon Lucien Jerphagnon, « les vrais fondateurs de Rome« .

Les rois étrusques et la fondation de Rome : Influence et héritage

Les rois légendaires présentés précédemment ont, par définition, une valeur historique qui relève davantage du mythe que de l’histoire. Selon les historiens modernes, c’est moins le cas pour les « rois Etrusques ». Les Etrusques étaient l’une des civilisations les plus importantes du monde pré-romain et, pour reprendre les mots de Dominique Briquel dans l’Histoire Romaine, il s’agit de « rois venus du nord« . Pendant longtemps, il a été admis que Rome aurait été colonisé par les Etrusques mais cette vision est contredite par les découvertes archéologiques. En réalité, l’Italie a été un foyer de migrations et Rome une sorte de carrefour. Dans tous les cas, même si de nombreux éléments restent légendaires ou pseudo-historiques, d’autres attestent d’un certain nombre de faits sur la période monarchique étrusque, notamment la destruction d’édifices publics autour de la fin du VIe siècle av. J-C (fin de la monarchie).

Les rois étrusques Tarquin l’Ancien et Servius Tullius

En 616, le roi Tarquin l’Ancien prend le pouvoir à Rome. Selon la légende, il est originaire de Tarquinia et son origine étrangère ainsi que celles de sa femme ne lui permettaient pas de réaliser ses ambitions personnelles. Parti pour Rome, un signe divin lui a prédit un grand succès personnel. Devenu roi, il aurait introduit des innovations techniques venant des Toscans et aurait contribué à développer Rome. C’est par exemple à lui que l’on doit le sceptre surmonté d’un aigle, la couronne d’or, la toge bordée de pourpre, le réseau d’égouts de Rome ou le cirque Maxime (le cirque maximus – le plus grand -). Son règne est également marqué, selon la légende, par un nombre important de guerres (succès sur l’ensemble de l’Etrurie notamment).
Le roi qui succède à Tarquin l’Ancien est Servius Tullius. Les récits concernant son règne relèvent également de la légende et du mythe. D’après les travaux récents, explique Dominique Briquel, Servius Tullius aurait renversé la dynastie des Tarquins avant de réussir à prendre le pouvoir. Il aurait été notamment été aidé, selon un document étrusque cité par l’Empereur Claude, par des sortes de condotierre étrusques.

Servius Tullius aurait été assassiné par Tarquin le Superbe et son règne est caractérisé par le désordre. Il se serait achevé par l’épisode bien connu du viol de Lucrèce par le fils de Tarquin, ce qui aurait conduit à une révolution et à la fin de la Monarchie remplacée par la République en 509 av. J-C.

Le règne de Tarquin le Superbe : le viol de Lucrèce et la chute de la République Romaine

Le dernier roi de Rome est Tarquin le Superbe. Mais quelles sont les circonstances du changement de régime ? L’épisode du viol de Lucrèce est connu et évoqué dans le post précédent, mais arrêtons-nous en détail sur ce moment raconté par Tite Live, l’un des historiens de Rome (Ier siècle ap. J-C).

Lucrèce, épouse de Tarquin Collatin, neveu de Tarquin le Superbe, est en train de filer la laine. Sextus Tarquin, fils de Tarquin le Superbe, s’éprend d’elle et quitte le camp militaire dans lequel il était pour aller la violer. Comble de cynisme, il la menace de déshonneur, de la tuer donc, et de placer le corps d’un esclave égorgé et nu à côté d’elle. « On dira qu’elle a été tuée dans un adultère ignoble » explique Tite-Live (I. LVIII). La vertu de Lucrèce est ainsi volée et cette dernière prévient ses proches. Lisons Tite Live faire le récit de ce moment :

Lucrèce, accablée d’un tel malheur, envoie un messager prévenir son père à Rome et son mari à Ardée de venir chacun avec un ami sûr : « C’est nécessaire et urgent, un affreux malheur est arrivé. » Spurius Lucrétius vient avec Publius Valérius, fils de Volésus, et Collatin avec Lucius Junius Brutus : ces derniers revenaient justement à Rome quand ils rencontrèrent le messager de Lucrèce. Ils la trouvèrent assise dans sa chambre et accablée. A l’arrivée des siens, elle fond en larmes. « Comment vas-tu ? » demande son mari. « Mal », dit-elle ; « qu’est-ce qui peut aller bien pour une femme qui a perdu l’honneur ? Les traces d’un autre homme, Collatin, sont marquées dans ton lit. D’ailleurs, mon corps seul est souillé ; mon cœur est pur : ma mort te le prouvera. Mais donnez-moi la main comme gage que vous n’épargnerez pas le coupable. C’est Sextus Tarquin, un hôte agissant en ennemi, qui, cette nuit, l’épée à la main, est venu ici voler du plaisir pour mon malheur, mais aussi pour le sien, si vous êtes des hommes ». (Tite Live, Histoire Romaine, Livre I, chap. LVIII)


L’ensemble des protagonistes tente de rassurer Lucrèce en expliquant qu’elle n’est pas responsable de ce crime mais rien n’y fait : « Elle tenait un couteau caché sous sa robe ; elle s’en perça le cœur, s’affaissa sur sa blessure et tomba mourante au milieu des cris de son mari et de son père » (Tite-Live, Id.).

Lucius Junius Brutus, face à cette tragédie, décide de chasser les Tarquin du pouvoir. Avec un détachement, Brutus se rend à Rome et la famille Tarquin est exilée. Le libérateur de Rome fut reçu avec joie dans le camp explique Tite Live. Selon cet historien, le préfet de la ville nomme deux consuls : Brutus et Collatin, le conjoint de Lucrèce.

La naissance de la République Romaine en 509 av. J-C : une ère de 500 ans

La première année de la République est marquée par des tensions intérieures : pour la première fois, explique Dominique Briquel, un nouveau système politique fonctionne sur le système du collège de deux magistrats suprêmes, égaux en droits et en fonction, qui avaient repris les anciens insignes du pouvoir royal » (p. 132). Cela s’était fait par un accord unanime du peuple et du Sénat, mais il semblerait que le changement de régime ait également eu ses détracteurs : nostalgiques de la monarchie, complots contre Brutus, tensions entre patriciat (élite) et plèbe (peuple)… Brutus et Collatin sont éliminés assez rapidement, notamment parce que Collatin était lié à la famille des Tarquins (il était fils d’un frère de Tarquin l’Ancien). Le remplaçant de Collatin, Publius Valerius, est également soupçonné de vouloir rétablir la monarchie. Lorsque Brutus meurt, il est remplacé par Spurius Lucretius, qui meurt également, et par Marcus Horatius Puluillus, qui est également éliminé.

La jeune République est également agitée par des conflits avec les autres peuples latins, notamment lors de la Bataille de Silva Arsia qui oppose Brutus et un fils du roi Tarquin. L’année – 509 avant J-C est donc bien une année de transition qui voit à la fois la fin de la Monarchie et les débuts difficiles de la République, qui se poursuivra dans les années suivantes.

Source :

Briquel D., « Des rois venus du nord » in Histoire romaine Tome I, Paris, Fayard, pp. 85-129
Briquel D. « Les difficiles débuts de la liberté » in Histoire Romaine Tome I, ss. la dir. de F. HinardParis, Fayard, 2000
Tite-Live, Histoire romaine I, Paris, les Belles Lettres, 2000

Une réponse à « Histoire de Rome : de Rémus et Romulus à la première année de la République (753-509 av. J-C) »

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