- Introduction
- Les Chants Cypriens : l’épopée qui précède l’Iliade dans le cycle
- Zeus vs. les humains : « Et le dessein de Zeus s’accomplissait »
- Le mariage de Thétis et Pélée
- Le jugement de Pâris
- Hélène de Troie
- L’ »enlèvement » d’Hélène par Pâris et la mobilisation des Grecs : le rôle d’Achille
- Vers la plaine troyenne : les neuf premières années de la guerre
- Synthèse :
Introduction
Note : Pour un résumé complet de l’Iliade, de l’Odyssée et des textes relatifs à Troie, voir : https://lesitedushifa.fr/a-la-decouverte-du-cycle-troyen/
Le texte fondateur relatant la guerre de Troie est l’Iliade, célèbre dans le monde entier. Il s’agit de la plus ancienne épopée du monde après celle de Gilgamesh.
Longue de 15 000 vers, l’Iliade paraît plus difficile d’accès que l’Odyssée aux non-initiés puisqu’elle regroupe un ensemble de personnages et de dieux. Par ailleurs, le style d’écriture est très particulier (le vers homérique), ce qui peut donner une impression de lourdeur à la lecture. Néanmoins, si vous voulez découvrir l’Iliade je vous invite fortement à découvrir la lecture qu’en propose Maurine sur YouTube à travers des lives interactifs. Je la remercie d’ailleurs pour nos échanges qui m’ont donné, à mon tour, l’envie de vous faire découvrir ce texte légendaire.
Ma présentation sera néanmoins légèrement différente de la sienne puisque nous partirons des textes anciens tels qu’ils sont connus pour faire une présentation guidée du Cycle troyen, non seulement à partir de l’Iliade, mais aussi des textes antiques relatifs à la guerre de Troie. Commençons donc notre voyage par les Chants Cypriens.
Les Chants Cypriens : l’épopée qui précède l’Iliade dans le cycle
D’après les auteurs antiques, cette épopée comptait onze livres. En comparaison, l’Iliade comporte vingt-quatre chants. Pour certains, l’auteur était Homère, mais cela est contesté par Hérodote (484-425 av. J-C). Pour d’autres, le poème a été composé à Chypre par un certain Cyprias dont on ne sait pas grand-chose. L’auteur pourrait également être Stanisos de Chypre, un poète légendaire qui serait né aux alentours de 700 av. J-C. Quoiqu’il en soit, l’identité de l’auteur reste un mystère, tout comme l’ensemble des livres qui le composent. Mais que racontent ces Chants ? Ce que l’on sait des Chants Cypriens a été rapporté par des auteurs postérieurs, dont Platon, mais surtout par des écrivains grecs des premiers siècles de notre ère qui en avaient connaissance et qui pouvaient les lire. Ils en ont donc cité un certain nombre de passage qui permet de reconstituer l’ordre des livres.
Note : Je m’appuie sur plusieurs ouvrages qui seront cités en source, notamment :
Monsacré H. (ss. la dir. de) Tout Homère, Paris, Les Belles Lettres, 2021
Mathieu-Colas M., Lexique des divinités grecques et romaines, Paris, Les Belles Lettres, 2024
Zeus vs. les humains : « Et le dessein de Zeus s’accomplissait«
Selon un premier fragment, Zeus aurait été sommé par la terre de réduire le nombre d’être humains. Ceux-ci ne manifestaient aucune piété et pour répondre à sa demande, le dieu des dieux a déclenché la guerre de Thèbes : il s’agit du Cyclé thébain où l’on retrouve des personnages célèbres comme Œdipe ou Antigone mais qui ne font pas l’objet du Cycle troyen – notons que certains de ces personnages sont présents dans l’Odyssée lors de la descente d’Ulysse aux Enfers -. Les guerres thébaines auraient permis d’anéantir un certain nombre d’humains mais pas suffisamment pour Zeus qui, sur conseil de Momos, lança la guerre de Troie.
Selon le Lexique des divinités grecques et romaines (2024), Momos, ou Mômos, est le dieu ou la déesse de la « Raillerie ». C’est cette divinité qui lui suggéra de déclencher la guerre de Troie en provoquant une guerre entre l’Asie et l’Europe, toujours pour éviter le surpeuplement de la terre. Malgré tout, Zeus finit par le/la chasser de l’Olympe.
Zeus aurait pu détruire le monde par la foudre ou le déluge, mais il préfère déclencher la guerre, ainsi que l’explique ce fragment des Chants Cypriens :
C‘était au temps où, par milliers, les tribus humaines erraient sans cesse sur terre et écrasaient de leur poids la surface de la terre au sein profond.
A cette vue, Zeus prit pitié et, en son esprit avisé,
il décida d’alléger du poids des humains la terre qui nourrit tous les êtres,
en attisant la grande querelle de la guerre de Troie,
afin de réduire, par la mort, cette charge pesante. Et les héros à Troie
étaient massacrés, le dessein de Zeus s’accomplissait.
Le mariage de Thétis et Pélée
Pourtant, Momos avait eu deux idées pour Zeus. La première : que Thétis épouse un mortel afin de déclencher une guerre. Thétis est une déesse et est la mère d’Achille, l’un des héros de l’Iliade. La légende raconte que Zeus et Poséidon la courtisaient mais un oracle leur aurait prédit qu’ils enfanteraient un enfant plus fort qu’eux. Comme Zeus avait déjà détrôné son père Cronos, il laissa Thétis en paix et elle se maria avec un mortel, Pélée.
Une autre version rapporte que Thétis, pour satisfaire Héra, cherchait à se détacher de l’emprise de Zeus. En colère, il la force à se marier à un mortel. Il s’agit donc en réalité d’un mariage forcé qui a lieu en présence des dieux. Ces noces ont un enjeu important important puisque, selon Proclos (412-485), il s’agit du moment où les dieux apportent des cadeaux à Pélée, dont la lance qui sera l’arme d’Achille tout au long de l’Iliade. Celle-ci aurait été offerte par Chiron, l’aîné des centaures. De son côté, Poséidon aurait offert les chevaux Balios et Xanthos, des chevaux immortels. Ensemble, Pélée et Thétis conçoivent Achille qui fera l’objet d’un long développement ultérieur.
L’autre suggestion de Momos à Zeus est de faire en sorte que Zeus engendre une fille d’une grande beauté. Cela pourrait ainsi alléger la terre du poids des hommes sans les faire disparaître. Mais dans les Chants cypriens, c’est un autre épisode qui est rapporté : celui du Jugement de Pâris.
Le jugement de Pâris
Zeus n’a pas engendré de fille susceptible de déclencher la guerre de Troie comme le conseillait Momos. Néanmoins, aux noces de Thétis et de Pélée, la déesse Eris est absente. Déesse de la discorde, elle est, selon les auteurs antiques Lucien et Coullothos, celle qui joue un rôle de premier plan dans le jugement de Pâris et à qui l’on doit l’épisode de la pomme de discorde. Selon cet épisode (visiblement absent des fragments des Chants cypriens), Eris lance une pomme d’or intitulée « pour la plus belle » aux trois déesses que sont Aphrodite, Athéna et Héra. Elles demandent alors au prince troyen (Pâris) de décider à qui appartient la pomme en lui promettant diverses choses, notamment l’amour de la plus belle femme du monde en ce qui concerne Aphrodite. Dans les fragments des Chants cypriens, nous ne savons pas ce qu’ont promis les autres déesses. Quoiqu’il en soit, nous savons que Pâris choisit Aphrodite qui, en retour, lui promet la main d’Hélène de Sparte. Selon le fragment :
Alexandre, fils de Priam, roi de Troie, qu’on appelle aussi Pâris, fit construire des vaisseaux, sur l’ordre d’Aphrodite, par Harmonidès – – ou selon des poètes postérieurs, par le charpentier Phéréclos. Et il partit avec Aphrodite pour Lacédémone, cité de Ménélas (Tout Homère, 2022, p.1031).
Ainsi peut commencer l’enlèvement d’Hélène par Pâris, mais qui est Hélène ?
Hélène de Troie
Hélène est réputée pour être la plus belle femme du monde et elle est la sœur de Castor et Pollux : alors que Castor est mortel, Pollux, fils d’Arès, est immortel. Hélène serait leur petite sœur et serait la fille de Zeus et Némésis (violée par Zeus déguisé en poisson) :
L’auteur des Chants Cypriens dit que Zeus, lui aussi, se métamorphosa en jars pour poursuivre Némésis (déesse de la justice), et qu’à la suite de leur union elle enfanta un œuf d’où naquit Hélène (Philodème, De pietate, cité p. 1032).
Dans une autre version, citée cette fois par Apollodore dans sa Bibliothèque, Hélène serait bien la fille de Zeus et Némésis qui, cette fois, se seraient transformés en cygne et en oie : « De cette union résulta un œuf qui fut trouvé dans les bois par un berger, puis apporté et donné à Léda. Celle-ci le plaça dans un coffret où elle le conserva, et en temps voulu naquit Hélène, qu’elle éleva comme sa propre fille » (p. 1033).
Hélène fut, toute jeune, enlevée par Thésée, le héros qui a vaincu le minotaure. Ses frères, Castor et Pollux, que l’on appelle aussi les Dioscures, tentent de la défendre mais Pollux est blessé à la cuisse et Castor est tué : « Castor fut abattu par la lance d’Idas, fils d’Apharée : c’est ce qu’ont écrit l’auteur des Chants Cypriens et Phérécyde d’Athènes ».
L’ »enlèvement » d’Hélène par Pâris et la mobilisation des Grecs : le rôle d’Achille
La suite est plus floue, toujours est-il que lors de l’arrivée de Pâris à Sparte, Hélène était mariée à Ménélas, le roi de Sparte, et, ensemble, ils partent vers Troie : « Il pénètre à l’intérieur et gagne sa chambre » (Naevius ?, cité p. 1033) et partent ensemble « avec un vent favorable sur une mer lisse » (Hérodote, Histoires, cité p. 1033).
L’enlèvement d’Hélène est néanmoins le déclencheur de la guerre de Troie et les Chants Cypriens constituent un moment décisif pour la lutte entre les Grecs et les Troyens. C’est ainsi que dans les Chants Cypriens, les rois Agamemnon et Ménélas préparent l’expédition contre Troie. De son côté, Pélée, le père d’Achille, connaissait le destin funeste promis à son fils. Achille est donc confié, enfant, au roi Lycomède et le déguise en fille pour le protéger. Du côté des Grecs, un oracle a prédit que Troie (ou Ilion) ne serait jamais prise sans l’aide d’Achille. Une délégation composée de héros grecs (sur lesquels nous reviendrons lors des prochains posts) est envoyée chez Pélée qui nie la présence de son fils chez lui. Parmi eux, Ulysse (le héros de l’Odyssée) soupçonne qu’Achille a été envoyé parmi des filles. Alors :
Ils se rendirent à Scyros et, comme ils soupçonnaient qu’on élevait Achille avec les jeunes filles, sur une idée d’Ulysse, ils jetèrent devant l’appartement des jeunes filles des armes et des corbeilles avec du matériel pour tisser. Les jeunes filles se précipitèrent sur les corbeilles et sur leur contenu, mais Achille s’empara des armes : c’est ainsi qu’il se trahit et qu’il partit pour la guerre (p. 1035).
On apprend que durant cette période, Achille avait séduit la fille de Lycomède, Déidamie, et lui avait donné un fils : Néoptolème. Ce dernier est quasiment absent de l’Iliade mais aura un rôle décisif par la suite.
Vers la plaine troyenne : les neuf premières années de la guerre
Le sacrifice d’Iphigénie, la fille d’Agamemenon, est évoqué dans les Chants Cypriens mais il n’y a pas de traces à proprement parler de cet épisode. Il conviendra donc de se reporter à d’autres auteurs antiques pour en savoirs plus comme Eschyle (Agememenon), Sophocle (Electre) ou Euripide (Iphigénie en Aulis et Iphigénie en Tauride). Avec l’arrivée des Grecs sur les terres troyennes, la guerre commence et le premier à être tué est Protésilas. Les villes sous domination troyenne sont prises d’assaut par les Grecs comme le rapportent différents fragments :
Les poètes des Chants Cypriens disent que cette ville s’appelait Pédasos, mais Homère lui-même mentionne Lyrnessos (p. 1037)
Chriséis était venue à Thèbes chez Iphinoé, soeur d’Eétion et fille d’Actor, qui offrait un sacrifice à Artémis : c’est là qu’elle fut capturée par Achille (p. 1037).
L’enlèvement de Chryésis est un aspect majeur des chants de l’Iliade sur lesquels nous reviendrons : disons simplement que l’enlèvement de Chryséis va donner lieu à de rudes affrontements entre Achille et Agamemnon. Mais cet aspect n’étant pas développé dans les Chants Cypriens, ne nous attardons pas dessus.
Dans tous les cas, la guerre fait rage et Achille commet un certain nombre de meurtres, dont celui de Troïlos, un prince troyen en train d’abreuver ses chevaux. De même, les chevaux et les soldats doivent être nourris et les Chants Cypriens évoquent l’histoire des filles d’Apollon dont les noms signifient « Vin, Semence et Oliviers » (p. 1038), qui viennent aider les Grecs.
On apprend également qu’Ulysse cherchait à éviter la guerre de Troie en se faisant passer pour fou mais, sa ruse étant découverte par Palamède, il le tua (p. 1039) :
Palamède se noya lors d’une sortie de pêche, et ses meurtriers furent Diomède et Ulysse : je le sais pour l’avoir lu dans les Chants Cypriens (Pausanias)
Ainsi, les Chants Cypriens couvrent le début de la guerre de Troie ainsi que les neuf premières années du conflit. On retrouve les personnages essentiels que l’on retrouvera dans l’Iliade mais, avant de lire l’Iliade en détail, il conviendra de s’arrêter sur les différents protagonistes pour donner une vue d’ensemble afin de faciliter la lecture. Ce sera l’objet du prochain post. Retenons simplement les événements suivants.
Synthèse :
Les Chants Cypriens comportaient les éléments suivants :
– La colère de Zeus contre les humains qui surpeuplent la terre et manquent de foi envers les dieux
– Le mariage de Thétis et Pélée qui va donner lieu à la naissance d’Achille, le héros des Grecs
– La pomme de discorde et le jugement de Pâris
– La naissance d’Hélène, son enlèvement par Thésée, et la disparition de Castor et Pollux, ses frères
– L’enlèvement de Pâris par Hélène
– La mobilisation des Grecs et notamment d’Achille
– Les neuf premières années de la guerre



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