- Hommages à Marceline Desbordes-Valmore
- Quelques éléments biographiques
- Poésies (1830)
- Les Pleurs (1833)
- Pauvres fleurs (1839)
- Bouquets et prières (1843)
- Poésies inédites (1860)

Hommages à Marceline Desbordes-Valmore
17.11.1997 : De Lavilliers à Julien Clerc, la poésie fait un retour en force dans la chanson. Il faut rendre grâce à Juju d’avoir tiré de l’oubli Marceline Desbordes-Valmore (1756 (sic)-1859), avec ce superbe de texte : « N’écris pas ! Je suis triste et je voulais m’éteindre : / Les beaux été, sans toi, c’est l’amour sans flambeau ». Même si la forme a un peu vieilli, les sentiments sont d’une rare modernité. Marceline a porté très hauts les couleurs de l’amour !
C’est par cet extrait d’article de presse que commence le livre de recueil de poésies de Marceline Desbordes-Valmore, une poétesse qui m’était totalement inconnue jusqu’alors, comme la plupart des auteures du XIXe siècle. Entre nous, qui est capable de citer des auteures du XIXe siècle en dehors de la Comtesse de Ségur, de Mme de Staël ou de George Sand ? Pourtant, sa poésie a eu les éloges d’auteurs aussi prestigieux que :
– Sainte-Beuve qui écrivait en 1833 : « Ses paysages a elle ont de l’étendue ; un certain goût anglais s’y faut sentir ; c’est quelquefois comme dans Westall, quand il nous peint sous l’orage l’idéale figure de son beger (…).
– Victor Hugo, qui lui écrit en 1833 : « Il y a le monde des pensées et le monde des sentiments. Je ne sais pas qui a la pensée, et si quelqu’un l’a dans ce siècle, mais à coup sûr, vous avez l’autre, vous y êtes reine. » ou, en 1834 : « Nous sommes aussi voisins que peuvent l’être en France la prose et la poésie« .
– Charles Baudelaire : « Si le cri, si le soupir naturel d’une âme d’élite, si l’ambition désespérée du coeur, si les facultés soudaines, irréfléchies, si tout ce qui est gratuit et vient de Dieu, suffisent à faire le grand oète, Marcelne Valmore est et sera toujours un grand poète » (L’art Romantique, 1861).
– Paul Verlaine : « Nous proclamons à haute et intelligible voix que Marceline Desbordes-Valmore est tout bonnement – avec George Sand, si différente, dure, non sans des indulgences charmantes, de haut bon sens, de fière et pour ainsi dire de mâle allure – la seule femme de génie et de talent de se siècle et de tous les siècles, en compagnie de Sapho peut-être, et de Sainte Thérèse » (1888)
– Louis Aragon : « L’un des plus grands poètes, je ne dirais pas du XIXe siècle français, mais de tous les temps (1948).
Mais qui est donc cette poétesse qui a reçu tant d’hommages de la part d’auteurs illustres mais qui nous est totalement inconnue aujourd’hui ? Pour cette présentation, je vous proposerai une présentation très générale de sa biographie et une description des différents recueils qui composent l’ouvrage, avec un choix de textes particulièrement marquants et qui, me semble-t-il, reflètent bien son œuvre.
Quelques éléments biographiques
Marceline Desbordes-Valmore est née le 20 juin 1786 à Douai de parents mariés depuis 1776. Son oncle était peintre (et ses soeurs étaient nées en 1777, 1780 et 1792. En 1785, Prosper Lanchantin (Valmore) avec qui elle se mariera, naît en 1795. Avec la Révolution Française, le père de Marceline perd son emploi de fabricant d’ornements d’églises et sa mère quitte Douai uniquement avec Marceline. En 1797, Marceline commence à se produire au théâtre et, en 1801, ils partent en Guadeloupe en espérant trouver une vie meilleure avec la protection d’un riche parent. Mais celui-ci meurt en 1801-1802 et ils doivent revenir en France, d’autant plus que le climat social en Guadeloupe est très mauvais. Sa mère meurt de la fièvre jaune et elle doit rentrer chez son père à Douai. Entre 1802 et 1807, elle se produit au théâtre et publie son premier poème en 1807. Son premier enfant naît en 1810 alors qu’elle vit à Paris et son père meurt en 1817. Elle épouse Prosper Valmore la même année et publie son premier recueil de poèmes en 1819 : Elégies, Marie et Romances. En 1820, elle publie La veillée des Antilles. En 1820, elle est engagée au théâtre de l’Odéon et son fils Hippolyte naît à Paris. En 1821, sa fille Marceline-Junie-Hyacinthe naît, elle sera appelée Ondine. En 1823, Valmore est engagé à Bordeaux et elle renonce au théâtre pour se consacré à la poésie. En 1825, une nouvelle fille, Inès, voit le jour. En 1825, elle publie Elégie et Poésies nouvelles et refuse un traitement de l’Académie française mais peut vivre d’une aide qui sera interrompue par la Révolution de 1830. La même année, ses premiers recueils sont publiés sous le titre « Les Poésies en trois volumes ». En 1833, elle publie Les Pleurs et l’Atelier d’un oeintre e Valmore est engagé à la Porte Saint-Martin. En 1834, elle part à Lyon dans un contexte de révolte ouvrière et elle reçoit une petite pension. En 1837, elle retourne à Paris et Valmore est nommé administrateur de l’Odéon. Il devient ami avec Sainte-Beuve. En 1839, elle publie Pauvres fleurs après un séjour calamiteux à Milan et en 1843, elle publie Bouquets et prières, en hommage à Ondine dont la santé commence à décliner. En 1846, sa fille Inès meurt et Marceline publie Les Anges de la famille, un ensemble de contes en vers et prose. En 1854, sa soeur Cécile meurt à son tour et, en 1855, Marceline publie Jeunes têtes et jeunes coeurs, un recueil de contes pour enfants. En 1857, Marceline publie son dernier poème : Allez en paix. En 1858, Pauline Duchambge, la vieille amie de Marceline meurt également mais on lui cache sa mort. En 1859, elle reçoit un prix de 3000 francs (une somme considérable) de l’Académie Française et Marceline meurt à son tour en 1860. Des Poèmes inédits sont publiés la même année et en 1868, des Poésies de l’enfance sont publiées. Prosper Valmore meurt en 1881 et Hippolyte meurt en 1882.
La vie de Marceline Desbordes-Valmore est donc marquée à la fois par les turbulences du XIXe siècle, la pauvreté des artistes mais également le deuil et la famille. Ce n’est probablement pas pour rien que sa poésie a touché des auteurs comme Victor Hugo, Charles Baudelaire ou Paul Verlaine. Dans le recueil présent, on retrouve les recueils suivants : Poésies (1830) ; Les pleurs (1833) ; Pauvres fleurs (1839) ; Bouquets et prières (1843) ; Poésies inédites (1860)
Il ne s’agit donc pas de ses Œuvres complètes puisqu’il manque les œuvres en prose qui, semble-t-il, ont eu leur importance dans la bibliographie de Marceline.
Poésies (1830)
Les Poésies de 1830 sont, comme nous l’avons vu, un recueil de poèmes rédigés avant cette date. Ils sont rédigés dans un style simple, sans artifice, mais abordent des thématiques déprimantes concomitantes à la ie de son auteure. Le premier, par exemple, intitulé Son image, donne le ton :
Elle avait fui de mon âme offensée ;
Bien loin de moi je crus l’avoir chassée :
Toute tremblante, un jour, elle arriva,
Sa douce image, et dans mon cœur rentra :
Point n’eus le temps de me mettre en colère
Point ne savais ce qu’elle voulait faire ;
Un peu trop tard mon cœur le devina.
Sans prévenir, elle dit : « Me voilà ! »
« Ce cœur m’attend. Par l’Amour, que l’implore,
« Comme autrefois j’y viens régner encore. »
Au nom d’amour ma raison se troubla :
Je voulus fuir, et tout mon corps trembla.
Je bégayai des plaintes au perfide ;
Pour me toucher il prit un air timide ;
Puis à mes pieds en pleurant, il tomba
J’oubliai tout dès que l’Amour pleura.
Ce premier poème date de 1819, alors que l’auteure n’avait que 23 ans. Bien qu’il soit touchant, il aborde un sujet somme toute assez classique chez un ou une jeune auteure. La versification est agréable mais simple et le rythme du poème est également assez sobre. Je ne m’attarderai pas sur ces premières poésies qui sont, somme toutes, assez disparates.
Les Pleurs (1833)
Ce qui frappe à la lecture de ce recueil assez court (12 poèmes) est le pessimisme de l’auteure qui, là encore, s’explique par son parcours de vie. On y sent une forme de regrets face aux choix faits dans sa vie et dans sa relation avec son mari. Pour autant, certains vers sont plus optimistes :
On a si peu de temps à s’aimer sur la terre !
Oh ! qu’il faut se hâter de dépenser son cœur ! (Révélation)
Ou encore :
Un bouquet de cerise, une pomme encor verte,
C’étaient là des festins savourés jusqu’au cœur !
A tant de volupté l’âme neuve est ouverte,
Quand l’âpre affliction, de miel encore couverte,
N’a pas trempé nos sens d’une amère saveur (Tristesse)
Autrement dit, si la vie s’accompagne de ses malheurs, il faut savoir se contenter de choses simples qui nous semblent banales. Et c’est là toute la force de la poésie de Marceline Desbordes-Valmore : même dans la tristesse et la solitude, il existe des choses qui doivent focaliser notre attention et nous redonner le sourire. Même pour l’amour, qui est l’un des fils conducteurs de sa poésie :
Veux-tu l’acheter ?
Mon coeur est à vendre,
Veux-tu l’acheter,
Sans nous disputer ? (La Sincère)
Pauvres fleurs (1839)
Ce recueil atteint une maturité plus importante que le précédent avec des poèmes à la fois plus longs et plus tournés vers la religion chrétienne. Tout porte à croire que dans son désespoir, la poétesse s’est tournée vers le christianisme et regrette à la fois son enfance et cherche la consolation dans la religion. Le poème Au Christ, qui est – à mon sens – le plus beau du recueil, va dans ce sens :
Que je vous crains ! que je vous aime !
Que mon cœur est triste et navré !
Seigneur ! suis-je un peu de vous-même
Tombé de votre diadème :
Ou suis-je un pauvre ange égaré ?Du sable où coulèrent vos larmes
Mon âme jaillit-elle un jour ?
Tout ce que j’aime a-t-u des armes,
Pour me faire trouver des charmes
Dans la mort, que but votre amour ?Seigneur ! parlez-moi, je vous prie !
Je suis seule sans votre voix ;
Oiseau sans ailes, sans patrie,
Sur la terre dure et flétrie,
Je marche et je tombe à la fois !Fleur d’orage et de pleurs mouillée,
Exhalant sa mourante odeur,
Au pied de la croix effeuillée,
Seigneur, ma vie agenouillée
Veut monter à votre grandeur !Voyez : je suis comme une feuille
Qui roule et tourbillonne au vent ;
Un rêve las qui se recueille ;
Un lin desséché que l’on cueille
Et que l’on déchire souvent (…)
Je ne mets qu’un extrait pour vous donner envie d’en savoir plus, mais là encore, nous retrouvons le mélange savant entre désespoir et belles choses de la vie « fleur d’orage et de pleurs mouillée » : cette image poétique renvoie à la fois à la beauté des fleurs et à la tristesse des sentiments. On peut le comprendre par rapport aux différents deuils qu’elle a connu et à la déception de son séjour à Milan. Mais ce point est encore plus fort dans le recueil suivant dans lequel elle est inquiète pour sa fille Ondine.
Bouquets et prières (1843)
Aussi sombre que les recueils précédents, Bouquets et prières mélange l’amour maternel face à la maladie de sa fille et le goût du voyage. Ce livre devait s’appeler initialement Les Bruits dans l’herbe mais a changé le titre à la dernière minute. Les poèmes sont très proches des précédents dans la mesure où ils ont été écrits à la même période mais certains sont particulièrement beaux :
Ma chambre
Ma demeure est haute,
Donnant sur les cieux ;
La lune en est l’hôte
Pâle et sérieux :
En bas que l’on sonne,
Qu’importe aujourd’hui ?
Aux autres cachée,
Je brode mes fleurs ;
Sans être fâchée,
Mon âme est en pleurs :
Le ciel bleu sans voiles,
Je le vois d’ici ;
Je vois les étoiles :
Mais l’orage aussi !
Vis-à-vis la mienne
Une chaise attend :
Elle fut la sienne,
La nôtre un instant :
D’un ruban signée,
Cette chaise est là,
Toute résignée,
Comme me voilà !
Poésies inédites (1860)
D’un genre beaucoup plus éclectique, ce recueil est mon préféré : il condense tous les centres d’intérêt de la poétesse en un seul recueil. Le recueil avait été préparé par Marceline Desbordes-Valmore avant sa mort et elle savait qu’il serait publié. Il est difficile de citer un poème en particulier si ce n’est, peut-être, celui qui est mon préféré du recueil (extrait) :
Qui, j’avais des trésors… j’en ai plein ma mémoire.
J’ai des banquets rêvés où l’orphelin va boire.
Oh ! quel enfant des bleds, le long des chemins verts,
N’a, dans ses jeux errants, possédé l’universEmmenez-moi, chemins !… Mais non, ce n’est plus l’heure,
Il faudrait revenir en courant où l’on pleure,
Sans avoir regardé jusqu’au fond le ruisseau
Dont la vague mouilla l’osier de mon berceau.Il courait vers la Scarpe en traversant nos rues
Qu’épurait la fraîcheur de ses ondes accrues ;
Et l’enfance aux longs cris saluait son retour
Qui faisait déborder tous les puits d’alentour.Ecoliers de ce temps, troupe alerte et bruyante,
Où sont-ils vos présents jetés à l’eau fuyante ?
Le livre ouvert, parfois vos souliers pour vaisseaux,
Et vos petits jardins de mousse et d’arbrisseaux ?


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