Nous partons au XVe siècle avant notre ère en Egypte. Nous sommes sous la XVIIIe dynastie des souverains d’Egypte (dates), vers 1480, et un nouveau roi vient de monter sur le trône.
Il s’agit de Thoutmosis III, qui accède au trône après vingt-deux ans d’usurpation par sa tante, la reine Hatshepsout. Usurpation parce qu’à la mort de son mari, Thoutmosis II, elle prend la régence car le prince héritier n’a qu’une dizaine d’années. Elle se fait ensuite proclamer reine en se faisant proclamer fille du dieu Amon. A sa mort, Thoutmosis III reprend le pouvoir et une stèle rédigée deux ans après son arrivée sur le trône le décrit comme : « Roi des rois, prince des princes, sa gloire est dans le ciel, sa crainte traverse la terre, et la frayeur qu’il inspire parcourt chaque pays étranger« .
Mais qui est ce roi presque aussi célèbre que Ramsès II ?
Lors de son arrivée au pouvoir, l’Egypte est en crise : des territoires commencent à se détacher de la tutelle égyptienne, de nouveaux peuples indo-européens s’installent depuis cinq siècles et de nouveaux royaumes en Asie commencent à monter en rivalité avec l’Egypte, notamment le royaume de Mitanni qui cherche à s’installer sur les vallées du Tigre et de l’Euphrate. Thoutmosis III doit donc vaincre le Mitanni et c’est l’objet de son règne. Celui-ci est connu grâce aux Annales de Thoutmôsis III datées du XVe siècle avant J-C.
Lors de la première année de son règne, Thoutmôsis III a trente-deux ans. Il se rend au temple pour consulter le dieu Amon qui lui ordonne la victoire. Il constitue une armée levée en Haute Egypte et en Basse Egypte. A l’époque, les deux terres étaient unies. En juillet, l’armée quitte Thèbes :
Le spectacle le plus imposant était le défilé des chars, légers véhicules montés sur deux roues et tirés chacun par deux coursiers ; formés par une légère coque de bois, ils étaient le plus souvent recouverts de cuir ; le char de Pharaon brillait d’un or précieux. Puis s’en venaient les archers, suivis par les fantassins et l’intendance ; il s’agissait d’un ravitaillement « sur pied » : chèvres et bovins accompagnaient l’armée en une longue théorie lourde et bruyante. (Lalouette, 1995, p. 179)
Mi-juillet, l’armée franchit la frontière à El-Kantara, dans le pays de Canaan, et neuf jours après, elle atteint Gaza. On dispose de détails sur le quotidien de l’armée : les campements étaient dans le désert, le matin, les bouchers et cuisiniers préparaient le repas, et ils repartaient et se reposaient autour de puits. Onze jours après le départ de Gaza, ils arrivent à Yehem (120 km au nord de Gaza). Pharaon apprend que son ennemi a réuni ses différents alliés et que la bataille va être difficile. L’armée poursuit sa route à travers le désert et quelques jours après, ils font face à l’armée ennemie : « Il y avait des hommes par millions et dizaines de mille, les chefs de tous les pays étrangers ; ils étaient trois cent trente princes, chacun avec son armée » (p. 182). Le texte « magnifie les faits » pour montrer la puissance de Pharaon.
La bataille commence et Thoutmosis s’engage le premier. Il inspire une crainte certaine aux ennemis qui courent vers Megiddo (situé à 90 km de Jérusalem). Les alentours de la ville sont pillés et Megiddo finit par être assiégé par Pharaon. Au bout de sept mois, les portes sont ouvertes et « le peuple, massé sur les murailles de la citadelle, acclamait le roi d’Egypte« . Ce dernier leur fait livrer de la nourriture et les princes auparavant ennemis finissent par reconnaître Thoutmosis. Ce dernier remonte avec son armée sur le port de Tyr et remporte plusieurs victoires. Le roi de Mitanni est toujours en vie mais il est largement affaibli. Thoutmosis et son armée retourne à Thèbes avec un butin important (des pierres précieuses, de l’or, de la vaisselle, de l’argent, du froment, de l’orge, des chèvres, des moutons…). Le succès de Thoutmosis permet aussi d’avoir le contrôle de routes commerciales importantes, entre « le lointain Afghanistan » (p. 186), Babylone et l’Arabie.
Par la suite, Thoutmosis cherche à prendre la frontière de l’Euphrate, un fleuve qui intriguait les Egyptiens parce qu’il « coule à l’envers » alors que le Nil coulait du sud au nord. L’avantage de prendre le contrôle de ce fleuve était de pouvoir avoir le contrôle sur l’entrée en Asie. Il leur fallait donc avoir le contrôle des ports phéniciens. La Phénicie est prise et différents trésors sont pillés au profit de l’Egypte. L’année suivante, la forteresse de Kadesh est vaincue – notons qu’une autre bataille de Kadesh aura lieu sous Ramsès II deux cents ans après – et une nouvelle campagne à lieu en Phénicie. L’objectif de Thoutmosis est de reconstituer « le grand Empire d’autrefois ». Ils vont jusque Alep (en Syrie actuelle), et ont le soutien du peuple. Arrivés sur la rive de l’Euphrate, l’affrontement avec le roi du Mitanni peut commencer. Ce dernier n’a pas réellement anticipé d’invasion et l’intrusion en Mitanni est facile pour Thoutmosis. Au bout de vingt kilomètres, il se retrouve coincé car trop éloigné de ses bases et la conquête n’est pas possible. Mais il cherchait surtout à sécuriser la zone. Thoutmosis descend vers le Sud, dans le pays de Djahi (entre le Liban et Israël actuel) et peut se livrer à ses loisirs (la chasse à l’éléphant notamment). De retour à Thèbes, une nouvelle fête a lieu :
Précédé par la musique des trompettes et des tambours, les oriflammes flottant au vent, Pharaon, sur son char d’or, se rendit jusqu’au palais royal de Louxor. Danseuses, chanteuses et musiciennes accompagnaient le défilé ; les jeunes gens portaient autour de leur cou des colliers de fleurs ; le peuple en liesse acclamait son roi et le retour des soldats victorieux. Un cortège se format, mené par le grand-prêtre d’Amon Menkheperrêsenb, que suivaient, sur cinq files, de prestigieux tributaires, et qui se dirigea vers Louxor ; la foule massée devant le palais put contempler les souverains des régions du Nord : il y avait le prince du pays de Crète, qui se prosternait devant le souverain, le roi des Hittites élevait ses mains vers le ciel en signe d’adoration ; le prince de la ville de Tounip (ville syrienne) offrait son enfant au souverain ; il y avait aussi le prince de Kadesh lui-même, qui était venu rendre hommage à Pharaon en signe de paix et de soumission… au moins momentanée (p. 192-193).

L’Egypte est donc riche et prospère, mais Thoutmosis a de nouveaux projets : il continue à aller en Asie pour réprimer différentes révoltes a priori préparées par le roi du Mitanni. Mais une dernière campagne a lieu à la fin du règne de Pharaon. Le roi du Mitanni, les princes de Kadesh et de Tounip forment une coalition pour vaincre Thoutmosis. Avec son armée, Pharaon monte à Kadesh pour une bataille décisive. Son ennemi fait sortir une armée de cavaliers qui fonce sur l’armée égyptienne. Le capitaine égyptien, Amenemheb, va vers le cheval lancé au galop et lui ouvre le ventre avec son épée. Les chars égyptiens se remettent en ordre de bataille et Thoutmosis prend l’assaut de l’ennemi. Le siège de Kadesh commence mais la citadelle finit par être prise. Thoutmosis, âgé de 70 ans, retourne en Egypte pour se reposer. Son pouvoir n’est plus contesté et l’Egypte a retrouvé sa grandeur d’antan. Il partage le pouvoir avec Amehotep II et meurt en 1425.
Source :
Lalouette Claire, Contes et récits de l’Egypte ancienne, Paris, Champs Classiques, 1999



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