Caligula raconté par Suétone

Vous cherchez une lecture qui allie histoire, psychologie trouble et scandales politiques ? L’œuvre de Suétone, et plus particulièrement sa Vie de Caligula (Caius), est un incontournable. Loin des chroniques aseptisées, l’historien romain dresse le portrait saisissant d’un empereur qui est passé de l’enfant chéri de l’armée à l’un des tyrans les plus déments de l’histoire romaine.

Suétone commence par camper le décor en détaillant la vie et la popularité inégalée du père de Caligula, Germanicus. Beau, érudit, valeureux, et immensément aimé du peuple romain et des soldats, Germanicus représentait l’idéal du prince romain. Sa mort prématurée, survenue dans des circonstances qui firent soupçonner le poison et la machination de l’empereur Tibère, causa un deuil universel.

C’est au milieu des légions de Germanie que le jeune Caius a passé son enfance. Il tirait son célèbre surnom, Caligula (petite sandale militaire), de la petite caliga qu’il portait. Ce détail est crucial : la ferveur des soldats pour lui était telle que sa simple présence suffisait à calmer les mutineries, un lien d’affection qui allait propulser ce « fils de Germanicus » sur le trône.

Selon Suétone, Caligula ne laissa jamais transparaître sa douleur ou son ressentiment face aux malheurs qui décimaient sa famille (sa mère Agrippine et ses frères Néron et Drusus furent victimes de la paranoïa impériale). Il acceptait ses propres humiliations avec une patience incroyable, ce qui lui valut cette sentence célèbre : il n’y eut « point de meilleur valet ni de plus méchant maître ».

Pourtant, ses penchants morbides et cruels se manifestaient déjà : il assistait avec délectation aux supplices des condamnés. Le vieil empereur Tibère, perspicace, aurait alors prophétisé l’avenir du jeune homme : « J’élève une hydre pour le peuple romain et un Phaéton pour l’univers ». Le récit suggère même que Caligula a contribué à la mort de Tibère, peut-être en l’étouffant avec un coussin pour s’assurer de son accession au pouvoir.

Après une accession au trône accueillie avec une joie délirante, l’image de Caligula se dégrade rapidement dans le récit de Suétone. L’empereur s’enfonce dans la folie et la tyrannie, révélant les inclinations que Tibère avait pressenties :

  • L’avarice: L’empereur invente des méthodes pour amasser de l’argent. Il exige une contribution pour l’éducation de sa fille, et va jusqu’à se promener nu-pieds sur d’énormes monceaux d’or dans son palais, ou même s’y rouler tout entier, pour « se mettre en contact avec le métal qui l’enflammait d’ardeur ».
  • La cruauté absolue : Sa cruauté est gratuite. Suétone raconte qu’il fit exécuter deux chevaliers romains simplement en se promenant et s’en vanta en disant qu’il n’avait « jamais fait un plus beau coup de dés ».
  • L’excentricité divine : Caligula s’habille comme un dieu, portant des casaques bigarrées et couvertes de pierreries, des robes de soie, des brodequins de femme, et arborant tour à tour les insignes de diverses divinités : la foudre de Jupiter, le trident de Neptune, ou les attributs de Vénus. Il se fait pousser la barbe d’or pour paraître plus majestueux.
  • La paranoïa et la lâcheté : Malgré sa mégalomanie, Caligula est un homme lâche. Il tremble au moindre éclair, se cachant sous son lit lors d’un orage. Il s’enfuit de Messine la nuit, effrayé par la fumée de l’Etna, et panique au-delà du Rhin à la rumeur d’une attaque, se faisant transporter à bras par-dessus les têtes de la foule pour fuir.

Le récit de Suétone n’est pas une simple biographie historique ; c’est une plongée fascinante dans les méandres du pouvoir absolu et de la psyché humaine dérangée. Il nous offre un contre-champ spectaculaire entre la gloire du père et l’infamie du fils, et l’analyse minutieuse des vices et vertus de chaque empereur.

Lisez Suétone si vous voulez comprendre comment un héritage prometteur peut basculer dans la terreur et la folie. C’est l’histoire, racontée sans fard, de la transformation d’un prince en monstre !

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