
Alors qu’en 509 av. J-C, la République est mise en place après le renversement de la Monarchie, Rome vit alors une période de troubles qui rendent les débuts de la République particulièrement difficiles.
D’abord, un premier traité de paix avec Carthage est signé en 509. Nous reviendrons dessus dans les posts suivants puisque les conflits entre Rome et Carthage occuperont les prochains siècles de l’histoire de Rome.
En 508, une nouvelle guerre entre Rome et les Etrusques a lieu et Rome est assiégée. Porsenna, le roi des Etrusques, doit faire face à la résistance de trois héros romains : Horatius Coclès qui a défendu le pont du Tibre ; Mucius Scaeula, qui a réussi à pénétrer dans le camp adverse et Clélie, une romaine livrée en otage aux Etrusques, qui a réussi à s’enfuir du camp. A noter que le personnage de Clélie a fait l’objet d’un roman rédigé par Madeleine de Scudéry entre 1654 et 1660 que l’on peut trouver en livre de poche.
Porsenna finit par accepter de traiter avec les Romains et de signer une paix ainsi qu’une alliance. Les années suivantes sont marquées par une série de victoires des Romains sur les autres peuples Latins, dont les derniers Tarquins qui ont tenté, jusqu’en 492, de récupérer le pouvoir.
Pourtant, Rome doit faire face à une crise démographique importante. D’après les recensements réalisés à l’époque – des registres existaient déjà – la population était de 130 000 personnes en 508 et est passée à 103 000 en 474 et 465. Entre la mise en place de la République et les guerres du Ve siècle, on peut comprendre la baisse du nombre d’habitants. En effet, Rome est toujours régulièrement en guerre contre Véies, la ville Etrusque, avec une période de conflits entre 485 et 474. En 477, Rome a subi l’un de ses désastres les plus importants de son histoire – comparable à celui de 390 contre les Gaulois -. La défaite du Crémère a constitué un coup dur pour l’armée romaine. Pourtant, il s’agit d’une guerre privée entre les Fabii, une famille romaine, et les Etrusques. Avec la disparition des Fabii, une trêve est signée pour quarante ans à partir de 474. La guerre entre Rome et Véies reprend en 437 ou 426. Entre les deux peuples, l’enjeu était le contrôle de Fidènes, petite ville située au confluent du Tibre et de l’Anio et qui permettait de passer d’une rive du Tibre à l’autre.
En dehors de ces guerres, Rome et les autres cités latines sont en paix et Rome est relativement modéré par rapport à ses voisins, mais c’est sans compter sur la venue de peuples arrivant de l’Apennin central qui mettent une pression sur Rome : les Samnites, notamment, sont un peuple montagnard et belliqueux qui vit au nord de Rome ; les Volsques, de leur côté, ont également contribué à la diminution du territoire latin ; les Herniques, quant à eux, menaient des offensives contre le Latium. Contrairement aux décennies antérieures, le Latium est cerné par des voisins belliqueux mais les Romains arrivent à les repousser. En 431, les Volsques et les Èques sont vaincus par Rome.
La situation économique est également problématique : Rome n’a par exemple plus à sa disposition le blé de la zone pontine, une zone dont laquelle les Tarquins avaient le contrôle. Les besoins de terres étaient également importants et les plébéiens y étaient sensibles.
Enfin, le début de la République se traduit également par des crises institutionnelles.
« La constitution du patriciat, en tant que groupe fermé s’est faite progressivement » explique Dominique Briquel (2000, p. 187). Au Ve siècle, dans le cadre de la République, le patriciat est devenu un groupe estimant avoir un rôle dirigeant dans l’Etat. Les Fabii dont on a parlé précédemment, par exemple, sont une famille importante de patriciens. Les plébéiens, de leur côté, sont mis en minorité en termes de pouvoir. En 494, les plébéiens font sécession de la plèbe en pour revendiquer leur place dans la société et ont eu leur défenseurs – les tribuns de la plèbe -.
Arrêtons-nous sur l’un des personnages de cette période : Caius Marcius Coriolanus est issu d’une famille patricienne. Il entre dans l’armée et se distingue lors de campagnes contre les Volques. En tant qu’ennemi des plébéiens, il souhaite la disparition du tribunat de la plèbe. Il est attaqué par les tribuns et envoyé en exil vers 490. Il se réfugie chez les Volsques et envisage d’attaquer les cités du Latium et de Rome. Les différents négociateurs envoyés par les Romains ne le convainquent pas de lever le siège mais sa mère et son épouse ainsi que sa famille sont envoyés devant sa tente pour le convaincre de lever le siège. Au final, il y consent et retourne chez les Volsques. Cet épisode a notamment été rapporté par Plutarque et mis en scène par Shakespeare.
Les plébéiens, de leur côté, ont pu réintégrer la cité et poser leurs conditions en édifiant leurs propres structures institutionnelles. Il s’agissait en fait d’un contre-pouvoir aux patriciens. Les années 460-450 sont une décennie de conflits politiques. Selon Tite-Live, trois représentants Romains se rendent à Athènes pour étudier les lois de Solon. Jusque-là, le droit romain était un droit oral, l’enjeu était de le fixer par écrit. Les décemvirs, un collège de dix hommes, est chargé de mettre en place une législation moderne : il s’agit de la loi des XII Tables, en référence aux douze tables de bronzes affichées sur le Forum. La loi des XII Tables codifie un certain nombre de choses : « procédures à suivre dans les procès, droit des familles avec la question des héritages, des droits du père sur le fils, droits de la propriété, droits de la personne » (Briquel, 2000, p. 195). Les XII Tables sont rédigés en deux temps : d’abord par un décemvirat qui en a écrit dix et, ensuite, par un deuxième décemvirat, qui en rajoute deux en 450. Pour autant, loin de faire l’unanimité, certaines lois sont jugées inhumaines et en défaveur des riches. « Faisant régner la terreur, ils enlevaient les biens des riches citoyens en les faisant condamner sous des prétextes futiles« . Tite-Live écrit : « On ne reculait plus devant les châtiments corporels, les verges, parfois la hache ; et, pour joindre le profit à la cruauté, on s’emparait de la fortune après l’exécution de son possesseur » (Livre 3, 37, 8).
Les décemvirs veulent garder le pouvoir et, explique Tite-Live : « Si quelqu’un faisait la moindre allusion à la liberté au Sénat ou devant le peuple, aussitôt, on préparait verges et haches pour effrayer par surcroît tous les autres » (Tite-Live, 3, 39, 3).
La plèbe et les membres du Sénat s’opposent à cette situation, la plèbe fait de nouveau sécession en 449 et, comme pour Lucrèce, un événement met un terme aux comportement du décemvirat. Dominique Briquel explique :
Appius Claudius (un des décemvirs), séduit par la beauté de la jeune Virginie, fille du tribun militaire Virginius alors parti combattre les Èques, entreprit de la séduire. Ne parvenant pas à ses fins, il eut alors l’idée de la faire réclamer comme étant son esclave par l’un de ses clients. Un jugement inique rendu par le décemvir donna droit à cette revendication mensongère, en dépit des objurgation de Virginius venu défendre sa fille. Forcé de livrer celle-ci, le tribun s’empara d’un couteau de boucher dans l’une des boutiques qui s’élevaient alors sur le Forum et le plongea dans le sein de la jeune fille en s’écriant : « Ma fille, je n’ai pas d’autre moyen de te rendre la liberté. […] Appius, par ce sang, malédiction sur toi et sur ta tête ! » (Tite-Live, 3, 48, 5).
Le peuple romain se révolte et les décemvirs doivent démissionner. Les patriciens et plébéiens sont unis contre Appius Claudius qui se suicide pour échapper à sa condamnation. La paix semble donc revenue sur le plan politique. En 445, l’interdiction des mariages mixtes entre plébéiens et patriciens est aboli ; en 444, les tribuns militaires à pouvoir consulaire sont créés : il s’agit de substituts du consulat en 443, la censure est créée. Les censeurs étaient l’un des deux grands magistrats qui supervisaient la morale publique, maintenaient la liste des citoyens et leurs obligations fiscales et distribuaient des contrats publics lucratifs. Ils étaient alors élus tous les cinq ans. Les censeurs pouvaient notamment retirer des personnes de la liste des citoyens.
Rome semble donc connaître une forme de stabilité à la fin du Ve siècle après des décennies d’incertitudes.
Le Ve siècle avant J-C se termine par la prise d’Anxur sur les Volsques (406 avant J-C). Les Volsques et les Esques ne constituent plus la même menace mais Rome n’est pas en paix. Les Tarquiniens continuent leurs offensives et Véiès (cité Etrusque) finit par être prise en 396 avant J-C après dix ans de guerre. En l’espace de cent ans, le territoire romain augmente de 75%, passant de 900 km² en 495 à 1582 km² en 396. En comparaison, São Tomé & Principe fait aujourd’hui environ 900 km² et les îles Åland en font quasiment 1600. Autrement dit, Rome n’est pas encore l’Empire du Ier siècle après J-C. Pour autant, il s’étend progressivement et ce, grâce à Camille, un héros pour les historiens antiques.
Marcus Furius Camillus (Camille) est l’artisan de la victoire de Rome en 396 avant J-C. Ce dictateur et chef de guerre est présenté par les annalistiques comme étant l’instrument du destin et nécessite que l’on s’arrête sur sa présentation.
Selon la légende, Camille a fait appel aux dieux qui protégeaient la cité ennemie. Il a invoqué les dieux à Véies et Junon, la déesse protectrice de la cité, aurait accepté d’être transférée à Rome. De plus, comme il avait fait appel à Apollon, le dieu de Delphes, Camille a décrété que tous ceux qui avaient participé à la victoire devaient verser un dixième de leur butin en remerciement à ce dieu, ce qui a déplu à la plèbe. Il doit alors s’exiler à Ardée.
Le début du IVe siècle est également marqué par les offensives des tarquiniens et par la guerre contre les autres cités Etrusques, lors des guerres romano-étrusque qui durent entre 389 à 386 avant J-C et entre 358 à 351 avant J-C. Elle se conclut par la victoire de Rome mais par des défaites importantes avec de nombreuses condamnations à mort de romains.
Cependant, l’épisode le plus marquant de cette période est l’entrée des gaulois à Rome en 390 av. J-C.
Le sac de Rome par les Gaulois
Depuis quelques décennies, les Gaulois commercent avec les Étrusques, mais progressivement, ils se dirigent vers le sud. Tite-Live, de manière poétique, raconte : « Un peuple tout inconnu était apparu à leurs frontières, des Gaulois, avec lesquels la paix n’est jamais assurée, ni la guerre franche » (Tite-Live, 5, 17, 8). Mais qui sont ces envahisseurs venus du Nord ?
Dans un premier temps, une armée gauloise pénètre en Etrurie, puis s’aventure dans le Latium. Pour autant, nous ne disposons d’aucun témoignage direct de ces événements. La prise de Rome par les Gaulois en 390 av. J-C aurait cependant eu un retentissement international. Plutarque écrit par exemple :
Héraclide du Pont (388-310 av. J-C), qui a vécu à peu près à cette époque, rapport dans son traité De l’âme que la nouvelle arriva du couchant, qu’une armée, sortie de chez les Hyperboréens, avait pris une ville grecque appelée Rome, située quelque part là-bas, près de la Grande Mer.(Cité par Brunaux, 2018, p. 48).
Pour les Grecs donc, les Gaulois étaient un peuple légendaire, les Hyperboréens vivant au Nord, et Rome était une colonie grecque : il est donc également intéressant de voir les premiers points de vue des Grecs sur les Romains et ce, malgré les échanges entre les deux peuples cinquante ans auparavant. La seule description de cet épisode a été rédigée quatre siècles après la survenue de ces événements par Tite-Live, elle est donc sujette à caution.
Le Livre V de l’Histoire Romaine de Tite-Live est très majoritairement consacré à cet épisode et l’histoire commence à Cusium, en Toscane. Les Gaulois avaient souhaité s’installer et acquérir des terres mais face au refus des habitants, ils finissent par assiéger la cité. Les Clusiniens demandent l’aide de Rome qui envoie des ambassadeurs pour échanger avec les Gaulois. Lors d’échanges, le chef Gaulois fut tué par un des ambassadeurs qui s’étaient joints aux Etrusques. Les Gaulois envoient des émissaires à Rome pour demander une réparation, à savoir les ambassadeurs et les trois fils de Fabius Ambustus (tribun militaire à pouvoir consulaire). Le Sénat refuse de répondre aux demandes des Gaulois qui cessent le siège de Clusium et se dirigent vers Rome.
Un premier combat se produit à une quinzaine de kilomètres au nord de la ville. Les Romains n’avaient pas anticipé l’attaque et n’ont pas pu résister. Une partie d’entre eux sont partis à Véies plutôt que de retourner à Rome et l’autre partie a été massacrée. Juste une partie de l’armée a pu regagner Rome. Les Gaulois, surpris, ont d’abord cru à un stratagème et des cavaliers ont été envoyés à Rome. Les portes étaient ouvertes, aucun défenseur ne s’y trouvait et, méfiants, ils sont restés une journée devant la ville. Les Romains, en petit nombre, ont envoyé les hommes valides se battre et les femmes et les enfants ont été dépêchés au Capitole pour protéger les dieux. Le reste, majoritairement des plébéiens, sont allés dans la campagne environnante.
Quand les Gaulois ont pénétré dans la ville, elle était silencieuse et ils ont pu voler l’ensemble des maisons. Seuls des vieux sénateurs étaient restés mais ont été tués. La ville est incendiée mais les habitants restent sur le Capitole et l’assaut prévu par les Gaulois est un échec. Les Gaulois assiègent donc ce lieu et la famine se fait ressentir des deux côtés. Cependant, les Gaulois étaient postés dans un marécage et sont progressivement décédés en raison d’épizooties. Ils finissent par lever le siège en échange d’une rançon : 1000 livres d’or, soit 327 kg. Cependant, les Romains et les Gaulois n’étaient pas d’accords sur le poids et le chef Gaulois finit par prononcer la formule « Malheur aux vaincus ! » après avoir jeté son épée sur les poids qui se trouvaient sur l’un des plateaux de la balance.
Pendant la tractation, le général Camille, revenu d’exil et de nouveau nommé dictateur, revient avec ses troupes. Il fait remporter l’or et donne l’ordre aux Gaulois de partir. Ces derniers refusant, il déclare à ses soldats : « C’est par le fer, non pas l’or, qu’il faut reconquérir la patrie ». Les Gaulois, troublés, partent à la bataille sans organisation et sont vaincus. Une nouvelle bataille a lieu au nord de Rome et les Gaulois sont vaincus. Camille revient en triomphe à Rome et devient, pour la légende, le second fondateur de Rome ou le père de la patrie après Romulus.
Peu à peu, Rome surmonte la crise des Gaulois et la politique interne se traduit par une année de troubles. Des années d’anarchie selon Tite-Live ont lieu entre 375 et 370 et cela débouche sur l’élection de tribuns consulaires entre 370 et 368. Les plébéiens demandent l’accès au consulat, ce qui se traduit par les lois licinio-sextiennes en 367 qui donnent un droit d’accès à la plèbe pour l’un des deux postes de consul. Le premier consul plébéien, Lucius Sextius, arrive au pouvoir en 366 et une nouvelle attaque des Gaulois est repoussée en 361. Sur la politique extérieure, au milieu du IVe siècle, les Gaulois et les Tarquiniens sont repoussés, la plèbe et les patriciens sont dans une sorte de concorde. Le IVe siècle représente donc un siècle de transition par rapport à celui qui précède et le milieu du IVe siècle paraît donner à Rome une forme de stabilité.
Les Samnites formaient une communauté en Italie centrale, leur première mention remonte à 354 avant J-C par le biais d’un accord signé avec Rome. Les Samnites pouvaient donc attaquer d’autres peuples, tant que cela ne contrevenait pas au traité de paix avec Rome, les Romains n’avaient pas à intervenir. Cependant, les Samnites ont commencé à attaquer la Campanie et Rome a été contraint de leur porter secours par une astuce des Campaniens : ces derniers ont choisi de se rattacher à Rome. Par extension, attaquer la Campanie revenait à attaquer Rome. Le traité de 354 n’était donc plus valable.

Source : https://www.youtube.com/watch?v=xZWaFvLot6k&ab_channel=EpicTeachingofHistory
Entre 343 et 340, Rome marche donc officiellement en dehors du Latium et vainc les Samnites. Rome obtient la région de Falerne en Campanie et signe de nouveau un traité de paix avec les Samnites.
Cette fois, ils sont unis contre les Latins et Capoue. En 326, toutes la côté jusqu’à Naples était romaine alors que, jusque-là, elle était grecque. Naples, en 327, était partagée entre Rome et Samnites malgré une volonté de rester avec une culture grecque. Un historien romain, Strabon (Ier siècle av. J-C), écrit par exemple :
De très nombreux vestiges de la vie grecque sont conservés à Naples, par exemple les gymnases, les places de jeu des éphèbes, les phatries et même les noms grecs alors que la population est romaine. Actuellement ont lieu tous les cinq ans, dans cette ville, des jeux sacrés qui durent plusieurs jours et comprennent des concours de musique et de gymnastique dignes de rivaliser avec les fêtes les plus célèbre de la Grèce (cité par Briquel, 2000, p. 267).
La situation à Naples est la cause de la deuxième guerre contre les Samnites : les Samnites voulaient réduire la présence de Rome en Campanie et le peuple de Naples souhaitait avoir l’aide des Samnites. Rome, de son côté, envoie des troupes se sentent menacée. L’affaire de Naples est réglée en 326 et peut préserver son héritage grec, mais la ville est coupée en deux. D’un côté, les aristocrates qui soutiennent Rome et, de l’autre, le peuple qui soutient les Samnites. Mais face au danger, Rome doit directement affronter les Samnites : la guerre dure de 326 à 304. Il s’agit aussi d’une guerre difficile pour les Romains, notamment en raison de l’épisode des fourches Caudines en 321. Les Romains ont été pris au piège dans le territoire samnites, sur un site bloqué par des rochers et des troncs d’arbres, les soldats pris dans la nasse. Les Romains ont dû capituler et passer sous le joug désarmés et vêtus d’une simple tunique. Rome doit accepter la paix en livrant deux cités. Pour autant, la guerre n’est pas finie et reprend dès 320 durant près de quinze ans. En 305, l’armée samnite est bloquée et attaquée par les Romains : le chef samnite, Statius Gellius, est capturé et le Samnium passe sous le contrôle romain. C’est donc un coup décisif porté aux Samnites mais ils ne sont pas défaits pour autant. En parallèle, les Etrusques, au nord de Rome, reprennent les conflits. En 310, Rome passe à l’offensive en allant dans la forêt Ciminienne. C’est un événement puisque cette zone était réputée infranchissable. Selon Tite-Live, en effet : « La forêt Ciminienne était plus infranchissable et effrayant que ne l’ont été ces derniers temps les zones boisées de la Germanie et jusqu’alors personne, pas même un marchand, n’y avait pénétré« .
Les Etrusques sont vaincus et, comme pour Naples, une partie de la population soutient Rome tandis que l’autre veut rester Etrusque. Rome a donc étendu une partie de sa zone géographique en une cinquantaine d’années, mais le contrôle de l’Italie centrale reste un enjeu important pour Rome. En 299, la guerre reprend avec les Samnites. Une bataille décisive a eu lieu à Sentinum et Rome remporte la victoire. Dans le sud de l’Italie, il reste à vaincre définitivement les Samnites et une nouvelle victoire a lieu en 293 à Aquilonia (en Campanie actuelle). De nouvelles campagnes ont lieu dans cette région et, en 290, les Samnites demandent la paix. Un nouveau traité, semblable à celui de 354, est signé, mais les Samnites sont assujettis à Rome.
Au nord, la guerre se poursuit mais les sources sont plus rares : elles étaient relatées par la deuxième décade de Tite-Live qui est désormais perdue. Néanmoins, il semblerait que les Etrusques soient vaincus en 284/283 et Rome peut imposer sa loi partout sur l’Italie. Désormais, la domination de Rome s’étendait d’une manière continue depuis la Toscane au nord jusqu’aux abords des cités grecques du golfe de Tarente (Briquel, 2000, p. 283).

Avec l’expansion Romaine, la rencontre avec la Grande-Grèce est inéluctable : cette période voir apparaître des personnages légendaires tel que Pyrrhus.
A la fin du IVe siècle, la Grèce est une puissance incontestable qui vit sous le régime démocratique, qui a vu naître les plus importants penseurs de l’Occident, qui domine la mer Ionienne et la mer Egée. Elle occupe également une partie de la Sicile, le sud de l’Italie actuelle et une partie de la Sardaigne et de la Corse. Avec l’expansion romaine, il est indéniable que les deux puissances vont se rencontrer. Cependant, les sources historiques sont globalement lacunaires : les écrits de Tite-Live portant sur cette période sont perdus (soit plus de onze livres).
Du point de vue des Grecs, les Romains sont des barbares, mais les choses commencent à changer quand les Romains s’intéressent à Tarente, située dans la « botte » de l’Italie. A la toute fin de la troisième guerre samnite, Rome était aux portes de la Grande Grèce : tout le long de les côtes italiques, des cités helléniques étaient évoluées, avec un climat agréable, une civilisation raffinée et un point commun avec la culture grecque. Mais toutes ces cités n’étaient pas unies. Tarente était la plus importante des villes grecques et entretenait des relations à la fois avec les monarques grecs et avec Rome. Un traité stipulait que la flotte romaine ne franchirait pas le cap Licinien. Quand les Romains installent une garnison à Thurium, les Grecs le voient d’un mauvais œil. Mais c’est l’incident naval de 282 qui déclenche la guerre : le traité signé avec Tarente est violé lors des Dionysies, des fêtes en l’honneur de Dionysos, puisque des navires romains se sont aventurés dans les eaux grecques. Les habitants, échauffés par la fête, prennent leur navires et vont attaquer les navires romains qui doivent capituler. L’historien Appien (Ier siècle ap. J-C) explique :
Conelius partit faire un voyage d’inspection en Grande-Grèce avec dix navires pontés. A Tarente il y avait un démagogue appelé Philocharis, qui avait mené une vie dépravée et pour cette raison était surnommé Thaïs ; il rappela aux Tarentins un ancien traité, qui interdisait aux Romains de naviguer au-delà du cap Lacinien et, les ayant ainsi excités, les persuada d’attaquer Cornelius. Ils coulèrent quatre de ses navires et en prirent un avec son équipage. Ils accusèrent aussi les gens de Thourioi de préférer les Romains aux Tarentins bien qu’ils fussent des Grecs ; les tenant pour principaux responsables de l’intrusion des Romains, ils chassèrent les nobles parmi eux, pillèrent la cité et laissèrent partir la garnison romaine par un accord. (Guerres samnites, 7,1) [texte cité par Briquel & Brizzi, 2000, p. 308].
La guerre est donc inévitable : pour Rome, la situation est encore délicate au Nord puisqu’il y a encore des conflits avec les Etrusques et, plus au sud, avec les Samnites. Du côté des Grecs, la situation est également délicate : à Tarente, les moyens militaires sont insuffisants et il n’y a pas réellement de chef. Il faut donc en appeler un venant de Grèce et c’est ainsi que le roi d’Épire est sollicité. Il s’agit de Pyrrhus, personnage dont le nom est passé à la postérité pour la « victoire à la Pyrrhus ».
Pyrrhus Ier, né en 318, règne sur l’Épire depuis 297. Lorsqu’il est sollicité en 280 par Tarente, c’est déjà un personnage historique de premier plan en Grèce. Il porte également le même nom que le fils d’Achille, le héros de l’Iliade : Pyrrhos-Neptolème. Selon la légende, il en était un descendant, ce qui renforçait son prestige. Lorsqu’il arrive en Italie, il amène avec lui vingt-cinq mille hommes, soit une armée équivalente à celle d’Alexandre le Grand. Il amène également avec lui vingt éléphants. Lors de son arrivée, Pyrrhus impose aux Tarentins un effort de guerre mal accepté (hausse d’impôts, conscription généralisée…). Les Romains comprennent assez vite l’importance de la situation et en juillet 280, la bataille d’Héraclée constitue un premier affrontement. Les éléphants sont une menace particulière pour les Romains. Comme l’explique Plutarque : « Les éléphants surtout accablèrent les Romains, dont les chevaux, même à distance ne pouvant en soutenir la vue, emportaient de côté et d’autres leurs cavaliers » (Plutarque, Vie de Pyrrhus, 17, 6). Les Romains sont vaincus et malgré les pertes importantes des deux côtés, Pyrrhus est vainqueur.
Cherchant à gagner le soutien d’autres cités héllenistiques (Capoue et Naples), Pyrrhus remonte vers le nord mais les villes lui restent fermées. Il force donc le mouvement sur l’Vrbs et décide de chasser les Romains du sud de la péninsule. En 279, la bataille d’Asculum a lieu. Les Romains ont tiré les leçons de la bataille de 280 et restent en hauteur. Ils terrorisent également les éléphants à partir de chars armés de faux et de projectiles enflammés. Mais Pyrrhus a également réussi à accroître ses forces grâce à des alliés italiques. Pyrrhus remporte une nouvelle fois la victoire au bout de deux jours malgré des pertes importantes. Le roi lui-même s’est fait transpercé le bras avec un javelot. En 278, Pyrrhus part en Sicile et cherche à reconstituer ses forces pour affronter Rome. Pour les Romains, c’est un répit mais qui ne leur donne pas la possibilité de maintenir l’offensive en raison de forces encore affaiblies.
Pyrrhus reste en Sicile de 278 à 276 et est accueilli en héros à Syracuse. A l’époque, une grosse partie de la Sicile appartient encore à Carthage – nous y reviendrons – et les grecs vivent sur les côtes. Son objectif est de refouler les carthaginois de Sicile mais ces derniers proposent une paix : Pyrrhus refuse et une tension importante apparaît avec ses soldats. Il finit par se retirer de Sicile en 276 sans troupe. Il perd une partie de sa flotte face à Carthage ainsi que des richesses importantes. De retour en Italie, il manque de ressources et s’installe à Tarente.
En 275, les Romains réunissent une armée pour vaincre Pyrrhus qui apparaît encore comme une menace. Pyrrhus est attaqué à Bénévent, dans une région escarpée peu propice à la cavalerie et aux éléphants qui lui avaient assuré la victoire jusque là. Au final, les éléphants sont vaincus et certains sont même capturés par les Romains. Denys d’Halicarnasse (historien grec du Ier siècle av. J-C) raconte :
Lorsque Pyrrhus et ceux qui l’accompagnaient montèrent la pente avec les éléphants, les Romains s’en aperçurent ; ils blessèrent le petit d’une de ces bêtes, ce qui provoqua une grande confusion et la fuite des Grecs. Les Romains tuèrent deux éléphants et ils en prirent huit qu’ils avaient coincés dans une position sans issue, et que leurs cornacs indiens leur livrèrent. Ils firent en outre un grand massacre des soldats ennemis (20, 12, 14)
C’est donc une défaite décisive pour Pyrrhus et la consolidation de Rome sur la péninsule italique. Par ailleurs, comme Pyrrhus n’avait aucun soutien venant de Sicile, il cherche à se tourner vers les monarques grecs qui lui refusent toute aide. Pyrrhus quitte l’Italie en 275 pour retourner dans le Péloponnèse. Il meurt en 272 lors du siège d’Argos dans des circonstances particulières : une vieille femme lui lance une tuile qui le fait tomber de son cheval et un soldat de l’armée ennemie le « décapite » « au lieu de découper en ligne droite, il trancha à hauteur de la bouche et du menton et il n’arracha la tête que lentement et avec peine » (Plutarque, Vie de Pyrrhus).
Le départ de Pyrrhus de la péninsule italique donne le champ libre aux Romains pour chasser les grecs : en 272, les Samnites, les Lucaniens et les Brettiens (au Nord de Rome) sont vaincus et au sud, le consul Lucius Papirius Cursor met le siège devant Tarente. Pyrrhus parti, il n’y avait aucune aide possible venant de l’extérieur, pas même venant des Carthaginois. En 272, Tarente est prise et les autres cités grecques capitulent à leur tour. Pourtant, les Romains imposent des conditions moins difficiles aux Grecs de Grande-Grèce que pour les autres peuples vaincus. Tarente livre ses armes et ses vaisseaux, doit livrer ses murailles, mais reste autonome. Même si Tarente est soumis au contrôle Romain, elle peut garder son caractère grec et ses lois. Rome se présentait alors comme la protectrice des Grecs d’Italie. En 270, par exemple, la prise de la ville de Rhégion se traduit par le châtiment par la mort des mercenaires qui avaient brutalisé les populations helléniques.
Même si Tarente est tombée, l’hellénisme reste maître dans les villes d’Italie du sud. A titre d’exemple, le premier écrivain latin connu est un esclave grec amené à Rome lors de la prise de Tarente. Il s’agit de Livius Andronicus (280-204). Il a notamment traduit l’Odyssée en latin, ainsi que les premières pièces de théâtre.
Enfin, si la paix avec les Grecs semble plus ou moins revenue, cette période s’achève par la prise de Volsinies, en 264, la dernière cité Etrusque. Alors que ces derniers ont été présents en Italie depuis le IXe siècle avant J-C et ont connu leur apogée les siècles précédents, ils disparaissent quasiment avec cette capture.
Sources :
Briquel D. « La nuit du Ve siècle » in Histoire Romaine Tome I, ss. la dir. de F. Hinard, Paris, Fayard, 2000
Briquel D. « Le tournant du IVe siècle » in Histoire Romaine Tome I, ss. la dir. de F. Hinard, Paris, Fayard, 2000, pp. 203-243
Brunaux J-L, Les Gaulois, Vérités et légendes, 2018, Paris, Perrin
Jerphagnon L., Histoire de la Rome antique, Paris, Pluriel, 2002
Briquel D. & Brizzi G. « Pyrrhus. La rencontre de Rome et de l’hellénisme » in Histoire Romaine Tome I, ss. la dir. de F. Hinard, Paris, Fayard, 2000, pp. 293-336


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