Hégésias de Cyrène, le philosophe le plus déprimant de l’histoire ?

Quand on parle de philosophes déprimants, on pense souvent à l’aridité de leurs textes, qui rendent leur pensée difficile d’accès (Hegel, Husserl), ou bien à ceux qui ont fait du pessimisme un véritable mode de vie, comme Cioran ou Schopenhauer. Mais le plus sombre d’entre eux n’a laissé aucun écrit, car tous ses textes ont été détruits. Son nom vous est probablement inconnu : Hégésias de Cyrène.

Hégésias a vécu entre le IVe et le IIIe siècle avant notre ère. On sait peu de choses sur sa vie, mais un surnom lui colle à la peau : Peisithanatos, « Celui qui pousse à la mort ». Diogène Laërce l’évoque brièvement dans Les Vies et doctrines des philosophes illustres (Livre II), en le rattachant à l’école cyrénaïque. Il décrit ainsi ses disciples, les « Hégésiaques » :

« Nient la reconnaissance, l’amitié, le bienfait, parce qu’on ne fait nulle chose pour elle-même, on la fait pour les avantages qu’elle nous procure : si l’effet disparaît, la cause ne nous intéresse plus. Le bonheur parfait est impossible, car le corps est sujet à cent maladies, l’âme souffre avec le corps, et par là-dessus viennent les coups du sort, qui ruinent nos plus belles espérances. En fin de compte, le bonheur parfait n’est pas réalisables » (Diogène Laërce, Livre II, Aristippe).

Un tel constat est loin d’être joyeux, mais il n’explique pas pourquoi Hégésias était surnommé Celui qui pousse à la mort.

Pour comprendre, il faut se tourner vers d’autres auteurs. Cicéron, dans les Tusculanes (I, 83-84), rapporte qu’Hégésias enseignait que la mort nous libère des maux, non des biens. Ses discours étaient si convaincants que Ptolémée, roi d’Égypte, lui interdit d’enseigner, car trop de ses auditeurs se donnaient la mort après l’avoir écouté.

Valère Maxime, historien romain du Ier siècle, évoque un écrit d’Hégésias intitulé Celui qui se laisse mourir de faim, où le personnage principal expose tous les maux de l’existence humaine à ceux qui tentent de le dissuader de se suicider. De même, Plutarque (De amore prolis, 5, 497d) affirme qu’Hégésias avait convaincu plusieurs de ses auditeurs de se laisser mourir de faim.

Sa philosophie pourrait presque se résumer à cette maxime, transmise par Épiphane, théologien chypriote du IVe siècle :

« Il est profitable au méchant de vivre, au sage de mourir. »

Une pensée radicale, qui lui valut l’interdiction d’enseigner et fit de lui l’un des philosophes les plus inquiétants de l’Antiquité !

2 réponses à « Hégésias de Cyrène, le philosophe le plus déprimant de l’histoire ? »

  1. Jamais entendu parler, et ça ne me dérange pas trop, mais c’était intéressant à lire !

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  2. Peisithanatos me paraît extrêmement significatif et contient tout même pour ceux comme moi qui ignorent qui est Hégésias de Cyrène.

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