Un vieux doit-il se marier ? [Surtout avec une fille de 18 ans] : à la découverte d’un texte du XVe siècle

Pour en savoir plus sur l’auteur, cf. ici.

Note : Je m’appuie sur l’édition de 2004 parue dans la Roue à livres des Belles Lettres, cf. couverture ci-dessous.

Nous sommes en 1435. A 55 ans, le Pogge est un célibataire endurci et vient de se marier avec une fille de 18 ans issue d’une famille de la haute noblesse. Lors d’un repas entre amis, il est questionné : un vieux doit-il se marier ? Cette question, toujours d’actualité, donne la matière au livre présenté ci-dessous.

Dans la dédicace de son livre, le Pogge se place uniquement de son point de vue de personne âgée (55 ans à cette époque est un âge avancé). Il soutient que c’est à cet âge qu’on a « la sagesse pour gouverner un foyer et que l’aide d’une épouse est généralement nécessaire » (p.3). Le traité commence ensuite relatant un déjeuner entre amis au cours duquel le Pogge est interrogé sur la nécessité de se marier pour un homme âgé qui est resté célibataire toute sa vie. Les arguments allant contre le mariage pour un vieux sont les suivants :

– C’est alourdir un fardeau pour son épouse car la vieillesse est un tracas pour la femme, en particulier si elle est très jeune
– La femme épousée peut aller à l’encontre des habitudes du vieil homme, faisant « la mégère » (p. 8)
– Elle peut aussi constamment chercher querelle à son mari, elle peut boire, être « dévergondée, paresseuse, léthargique » (p. 8) et le célibat est un meilleur choix, en particulier pour un vieux.
Vierge, comme les mœurs des jeunes filles et des femmes divergent, comme leurs désirs sont variés, leur nature profondément différente, rarement elle s’accordera à son mari (p. 8).
– Les vieux sont plutôt dans le repli et la sagesse tandis que les jeunes sont dans l’amusement et le divertissement, ce qui ne peut pas coller.
– Se marier avec une veuve n’est pas une bonne chose parce qu’elle pensera toujours à son mari.
– Se marier avec une femme de son âge pour un vieux n’est pas une meilleure chose. Ils ne peuvent pas avoir d’enfants et vous serez deux êtres faibles, succombant sous le poids l’un de l’autre (p. 9).
– Les querelles sont incessantes : Surviennent à l’improviste, cent fois par jour, des querelles qui conduisent les vieux, mais aussi les jeunes, à se repentir d’avoir pris femme (p. 9).
– Avoir des enfants quand on est un vieux ne permet pas de leur transmettre « la vertu » (p. 10) puisque la mort arrive « avant qu’ils n’aient le temps d’arriver à l’âge de raison » (p. 10).

Les arguments pour sont :

– La rupture du célibat : « Je trouve en elle un tel soulagement, une telle joie, toujours plus, de jour en jour, que je considère les célibataires comme des sots profonds, et que je pense que celui qui se prive de l’agréent d’une femme se prive du plus grand de tous les biens » (p. 7).
– L’homme est un animal social fait pour se reproduire (p. 11).
– Le mariage ne détourne pas l’homme de ses passions, notamment « leur goût des belles lettres » (p. 11).
– Ne pas se marier contribue au « libertinage ou à l’adultère » (p. 12)
– Le mariage est utile aux vieux parce qu’ils cherchent une épouse à un âge où ils n’ont plus de penchants lascifs, d’inexpérience, d’inconstance ni de négligence, mais du goût pour et prendre des décisions (p. 12).
Seul un homme âgé sait ce qu’il convient de désirer ou de fuir et il peut tempérer les désirs de sa femme par sa sagesse (p. 12).
– Les vieux peuvent gouverner leur maison (p. 12).
La plupart, pour ne pas parler du reste, dissipent le riche patrimoine hérité de leurs parents pour ensuite être réduits à une vie de misère avec leurs enfants, ce qui fait que, par nécessité, beaucoup de femmes tombent dans le vice (p. 14). En clair, les jeunes sont paresseux et dépensiers, mais, au contraire, chez les plus vieux, tout leur passé est connu et éprouvé. Il ne faut pas considérer ici les vieillards cacochymes, aigris et grognons qui sont parfois pires que des enfants (p. 15).
– Se marier avec une « adolescente » (p. 15) pour un vieux est une manière de recevoir l’impression des moeurs et du genre de vie de son mari, si bien qu’elle ne mettra que peu de temps à obéir à ses désir, et qu’elle réglera ses inclinations et ses répugnances sur les souhaits de son mari (p. 15). Il est ainsi possible, nous explique l’auteur, de modérer son obéissance envers toi, [de] la diriger au doigt et à l’œil, [de l’habituer] parce qu’elle n’est pas encore imprégnée de mauvais penchants, à être docile, complaisante envers tes habitudes, à respecter ton âge » (p. 15).
– En ce qui concerne le « devoir conjugal », il faut « s’y acquitter seulement autant que l’exige la raison et le besoin de procréer » (p. 16).
– Il est également « plus sage de s’attacher à un âge d’où est exclu le risque de pauvreté » (p. 17). Autrement dit, l’auteur considère les femmes comme des michtos pour le dire en langage actuel.
– Avoir une épouse permet de partager ses émotions (c’est sûrement le seul point pas trop « boomer » du livre).
– « Tu as reproché aux vieux d’être faiblards au lit, mais c’est justement ce dont il faut louer cet âge, c’est sa principal qualité ! Nous devons en effet nous consacrer au plaisir, si nous sommes des hommes et non des bêtes, juste autant qu’il faut pour avoir une descendance » (p. 21)

Bonus :

L’auteur nous explique que « c’est un fait établi que les jeunes n’ont aucune sagesse, aucun usage des chose, aucune ligne de conduite, cela, l’expérience même le confirme, pas besoin de démonstration ! » (p. 17).

Il explique aussi : « Leur libido (aux jeunes) est bouillonnante, plus que de raison, et déborde en aventures extraconjugales » (p. 21).

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