
- Les traités zoologiques d’Aristote
- La présence d’éléphants comme preuve de l’aspect circulaire de la Terre ?
- Les caractéristiques de l’éléphant
- Les éléphants dans l’Histoire des animaux, chapitre 46 (630b)
- Sources :
Les traités zoologiques d’Aristote
Aristote s’intéressait à tout ce qui concernait ce qu’il pouvait observer. Comme il le dit au tout début de la Métaphysique : Tous les humains ont par nature le désir de savoir. Preuve en est le plaisir qu’ils prennent aux sensations, car elles leur plaisent d’elles-mêmes indépendamment de leur utilité et, plus que les autres, la sensation visuelle » [980a21 1-25]. Les traités zoologiques n’échappent pas à cette règle et représentent environ le quart du corpus laissé par Aristote. Il se compose de cinq traités aux longueurs inégales :
– L’Histoire des animaux
– Les Parties des animaux
– Le Mouvement des animaux
– La Locomotion des animaux
– La Génération des animaux
Au tout début de son traité consacré aux Météorologiques, Aristote fait de l’étude des animaux un point très important de la physique et l’observation des animaux a véritablement passionné le philosophe. Nous sommes dans l’Antiquité, donc bien avant les observations réalisées par Buffon au XVIIIe siècle, mais il est intéressant de voir comment Aristote décrivait les animaux qu’il pouvait voir ou dont il avait entendu parlé. L’éléphant, comme on l’a vu dans certains articles consacrés à l’histoire romaine, a traumatisé les Romains (voir ici par exemple, article dans lequel les Grecs ont presque vaincu les Romains grâce à l’armée de Pyrrhus et à ses éléphants). Les traités zoologiques d’Aristote donnent une vision assez originale de sa méthodologie de travail : d’abord, dans l’Histoire des animaux, il précise que d’étudier nécessite de s’interroger sur « les différences entre les animaux et les accidents communs à tous« . Sur un plan méthodologique, il s’appuie sur l’observation externe et interne des animaux, sur leurs modes de vie et sur leurs caractères. Soit il a recours à des observations directes, soit il a recours à des témoignages directs de pêcheurs par exemple. Il a également recours à la dissection. L’Histoire des animaux du grec Historia aurait également pu s’appeler « Enquête » sur les animaux.
Dans les Parties des animaux, Aristote s’intéresse à l’anatomie des animaux et à la fonction des différents organes. Comme le veut l’étude de la sagesse (cf. ici), il s’agit d’étudier les causes de la présence des différents organes chez les animaux. La Génération des animaux s’inscrit dans la même lignée : comment les animaux se reproduisent-ils, et comment naissent-ils ?
Le Mouvement des animaux s’intéresse, quant à lui, aux causes qui portent sur le déplacement des animaux : quel est, par exemple, le rôle du froid ou du chaud dans ce processus ? Quelles sont les causes du mouvement ?
La locomotion des animaux, quant à lui, est un petit traité qui reprend les théorie des causes (cf. ici) pour montrer comment les animaux se déplacent.
Alors, comment Aristote considérait-il les éléphants ? Et pourquoi s’intéresser à cet animal ? Au-delà du traumatisme qu’il a pu causer aux Romains que ce soit avec Pyrrhus ou Hannibal, c’est l’animal préféré de quelqu’un cher à mon cœur et à qui je voulais rendre hommage. En cherchant, dans les Œuvres d’Aristote, comment cet animal était décrit, j’espère lui faire ce petit cadeau.
La présence d’éléphants comme preuve de l’aspect circulaire de la Terre ?
Commençons par une hypothèse a priori hasardeuse : Aristote reprend les écrits de ses prédécesseurs pour montrer que la Terre est circulaire et la preuve est simple : la région des colonnes d’Hercule (Gibraltar) rejoindrait l’Inde et il n’y aurait qu’une seule mer (Traité du Ciel, 298a 10-15) :
Comme preuve, ils invoquent aussi les éléphants dont l’espace se trouve dans ces deux lieux extrêmes, en considérant que c’est du fait que les extrémités se touchent qu’elles partagent cette caractéristique.
Ainsi, la présence d’éléphants au nord de l’Afrique/au sud de l’Espagne et en Inde permettrait de prouver le fait que la Terre soit ronde. On sait, notamment, que l’éléphant joue un rôle très important dans les cultures asiatiques : on ne sait en revanche pas d’où Aristote tire ces informations.
Les caractéristiques de l’éléphant
Passons maintenant à des explications plus zoologiques telles qu’elles étaient connues à l’époque d’Aristote. Dans les Petits traités d’histoire naturelle, plus précisément dans un chapitre intitulé « De la longévité et la brièveté de la vie« , Aristote considère que les animaux sanguins ont une longévité plus importante que les animaux non sanguins, prenant encore l’exemple « de l’homme et l’éléphant« . (466a) Il montre aussi que la taille des animaux influe sur leur durée de vie – ce qui est faux, on le sait maintenant ». L’éléphant serait donc un animal avec une longévité exceptionnelle du fait 1) de son caractère sanguin 2) de sa taille.
Une autre caractéristique de l’éléphant, selon Aristote, est le fait qu’il soit facilement domesticable et qu’il soit « doux » (Histoire des animaux, 488a).
Sur un plan anatomique, l’éléphant dispose d’une capacité olfactive importante grâce à sa trompe. Mais ce qui impressionne Aristote est le fait que : Chez les éléphants, la narine est grande et forte et ils s’en servent comme d’une main : grâce à elle, ils attirent, saisissent et s’introduisent la nourriture, aussi bien liquide que sèche, dans la bouche ; c’est le seul animal chez qui il en soit ainsi. (Histoire des animaux, 492a).
Le barrissement de l’éléphant fait également l’objet d’une description singulière : contrairement à ce que l’on pourrait penser, « L’éléphant, quand il émet un son vocal sans l’aide de sa trompe et avec sa seule bouche, qui est une sorte de souffle comme celui d’un être humain qui expire de l’air et respire bruyamment, mais émis avec l’aide de sa trompe, il est semblable au son rauque d’une trompette » (Histoire des animaux, 536a).
Les éléphants sont des animaux qui se battent entre eux et, là-dessus, Aristote s’appuie sur des témoignages qu’il a vraisemblablement reçu de voyageurs partis en Inde (Histoire des animaux, 609b):
Les éléphants aussi se battent férocement entre eux et se frappent les uns les autres avec leurs défenses. Le perdant subit un terrible esclavage et cède à la voix de son vainqueur. Du point de vue du courage, les éléphants diffèrent les uns des autres dans une mesure étonnante. Les Indiens se servent aussi bien des mâles que des femelles pour faire la guerre, et pourtant les femelles sont plus petites et manquent beaucoup de hardiesse. L’éléphant renverse les murailles en les frappant avec ses grandes défenses et heurte les palmiers avec son front, jusqu’à ce qu’il les ait renversés, puis il les piétine et les couche par terre. La chasse aux éléphants se déroule ainsi : on part à leur recherche montés sur des éléphants apprivoisés et courageux et quand on en a rattrapé, on ordonne aux éléphants apprivoisés de les frapper jusqu’à ce qu’ils soient épuisés. Alors le cornac, après lui être monté dessus, le conduit avec son aiguillon. Après cela, rapidement, l’éléphant s’apprivoise et obéit. Ainsi quand le cornac est monté sur les éléphants, tous sont doux, mais quand il en est descendu, certains le sont, d’autres non. Mais à ceux qui sont redevenus sauvages on attache les pattes de devant avec des cordes pour les faire tenir tranquilles. On chasse l’éléphant aussi bien quand il est déjà grand que quand il est jeune.
Mais l’Histoire des animaux contient véritablement un chapitre entier consacré aux éléphants et qui synthétise toutes les découvertes d’Aristote :
Les éléphants dans l’Histoire des animaux, chapitre 46 (630b)
De tous les animaux sauvages, l’éléphant est le plus aisé à apprivoiser et à domestiquer. Car il apprend beaucoup de choses et les comprend, puisqu’on lui apprend même à se prosterner devant le roi. Il perçoit bien et l’emporte en intelligence sur tout animal. Quand il a couvert une femelle et l’a engrossée, après cela, il ne la touche plus.
Les uns disent que l’éléphant vit deux cents ans, d’autres cent vingt, on dit aussi que la femelle vit presque autant que le mâle, que leur apogée se situe vers soixante ans et qu’ils supportent mal les hivers et le froid. C’est un animal qui côtoie les rivières, pas un animal de rivière. Il poursuit son chemin même dans l’eau et s’y avance tant que sa trompe dépasse de la surface. Car c’est par elle qu’il souffle et respire. Mais il n’est presque pas capable de nager du fait de la lourdeur de son corps.
En conclusion, Aristote considérait l’éléphant (à juste titre) comme « le plus grand des animaux » (La Génération des animaux, 771a) et il est intéressant de voir comment un animal aussi important dans l’histoire de l’Antiquité ait pu le fasciner comme tel.
Sources :
Aristote, Œuvres complètes, 2022, Paris, Flammarion
– Métaphysique, Livre A
– Traité du ciel
– Histoire des animaux
– La Génération des animaux


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