Hugo Grotius (1583-1645) est un auteur du XVIIe siècle un peu moins connu que ses contemporains (Descartes, Hobbes…). Il a pourtant eu une influence considérable en philosophie du droit et, en particulier, du droit international. Dans son ouvrage le plus célèbre, Le droit de la guerre et de la paix (1625, dédié à Louis XIII), il aborde les questions relatives aux droit de la famille.
Dans le chapitre V du livre II, Grotius s’intéresse à l’origine du droit que l’on acquiert sur les personnes. Il traite donc notamment de problématiques relatives à l’éducation, que ce soit sur la possibilité ou non de maltraiter les enfants, du rôle des pères que peuvent avoir sur les mères etc. (Pour rappel, nous sommes en 1625 !).
Mais tout une partie concerne le mariage et l’inceste. Comment, sur un plan légal, un auteur de cette période pouvait-il concevoir ce type de mariage ?
Le mariage incestueux, nous explique Grotius, soulève des questions difficiles : il explique notamment : « La question qui regrde les mariages de ceux qui se touchent de parenté ou d’alliance, ne manque pas de difficulté, et elle cause souvent de grands remuements. » (p.221). On peut tenter de l’expliquer par la religion et par les moeurs, nous dit-il, mais « par expérience, la chose est très difficile et qu’elle est elle-même impossible ».
Le mariage entre parents et enfants est impossible pour des raisons d’ordre naturel, ce qui s’explique (au-delà de la morale et de la religion), par le fait que dans la conception de Grotius, le père (ou la mère) ont un ascendant sur leurs enfants. Or, un mariage dans ces conditions brouille complètement le rapport d’ascendance. Citant le poète romain Lucain, il explique :
Dans le transport du vin, leurs plus onnocents jeux
Sont de s’abandonner à d’exécrables feux.
(…)
Si leur brutal amour ‘épargne pas leur mère,
Quel crime le plus noir n’oseront-ils pas faire ?
Le mariage entre parents et enfants est donc à la fois contradictoire et contre-nature. Les mariages entre frères et soeurs sont également problématique pour Grotius qui s’appuie sur les textes bibliques mais également sur les auteurs antiques. Citant Platon, il parle de Mariages impies et abominables devant Dieu (Des lois).
En revanche, et c’est un point original dans le texte de Grotius, s’il est défendu d’épouser ses parents ou ses oncles/tantes, rien n’interdit d’épouser ses cousins et c’est quelque chose qui existait dans l’Antiquité. En effet :
« Une déduction si flaire fait voir la différence qu’il y a entre ces parents-là et ceux d’un degré plus éloigné. Il est défendu par exemple, d’épouser une tante du côté du père, mais d’épouser la fille d’un frère, qui est un degré pareil, il n’est pas défendu » (p. 228). Il précise ensuite que ce type de mariage expliquaient bien aussi chez les Hébreux que chez les romains : citant les Annales de Tacite, historien romain de l’Antiquité, il explique : « Les mariages des oncles avec leurs nièces nous paraissent nouveaux, mais ils sont communs parmi les autres nations et ils n’ont été défendus par aucune Loi« . Autrement dit, ce type de mariage était autrefois autorisé et ne contrevenait pas à la religion ou aux valeurs.
Source :
Grotius H. Du droit de la guerre et de la paix, (édition de 1687) (en ligne)



Pourquoi les mariages incestueux sont-ils problématiques ? La réponse de Grotius (1583-1645)
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