La Société du risque d’Ulrich Beck paraît en 1986, la catastrophe de Tchernobyl donne un éclairage tout particulier à son livre qui a un retentissement mondial. Mais comment définit-il « la société du risque » ?
Selon cet auteur, les sociétés préindustrielles étaient caractérisées par des catastrophes (épidémies du Moyen-âge par exemple). La société industrielle a trouvé son essor au XIXème siècle en reposant sur le principe d’une « nature qu’il s’agissait de connaître et de dominer » (2008, p. 22). Les risques des sociétés préindustrielles sont devenus maîtrisables et calculables et, en parallèle, ces sociétés industrielles sont basées sur l’existence de classes sociales, la répartition des richesses, l’émergence de la protection sociale, une certaine maîtrise des aléas naturels. Mais, au cours du XXème siècle, ce processus de modernisation a rendu certains risques non-maîtrisables : risques nucléaires, perturbateurs endocriniens, sang contaminé). Le passage de la société industrielle à la société du risque est désigné par Ulrich Beck comme étant le résultat de la modernisation réflexive : nous mettons au jour, sans cesse, de nouvelles menaces sur lesquelles nous n’avons pas de prise. La société du risque est donc, selon Beck, le monde dans lequel nous vivons :
« La société du risque désigne une époque dans laquelle les aspects négatifs du progrès déterminent de plus en plus la nature des controverses qui animent la société. Ce qu’initialement personne ne voyait et surtout ne souhaitait, à savoir la mise en danger de chacun et la destruction de la nature, devient le moteur de l’histoire. Il ne s’agit donc pas d’analyser les dangers en tant que tels, mais de démontrer que, devant le péril industriel qui nous menace et la disparition des enjeux traditionnels du conflit de classe, apparaissent de nouvelles configurations » (2001, p.376).
Poursuivant cette idée, le sociologue britannique Anthony Giddens distingue des risques externes, que nous sommes parvenus à maîtriser et des risques manufacturés, découlant de notre action sur la nature (Giddens, 1994). Dans la société du risque, ce n’est plus la répartition des biens qui prédomine mais la répartition des maux. « Comment peut-on répartir, éviter, contrôler et légitimer les conséquences des risques inhérents à la fabrication de produits au niveau de la technologie atomique et chimique (…) ? » s’interroge Ulrich Beck (1994, p.334).
Si la société industrielle s’est caractérisée par l’émergence de systèmes de protection sociale, rendant les risques sociaux prévisibles (chômage, maladie, vieillesse…), la société du risque repose sur des risques non-maîtrisables, donc difficilement assurables voire échappent à toute prise en charge.
Enfin, la culture du risque est un trait caractéristique de cette société du risque. Selon Anthony Giddens (1991), pour construire son parcours biographique, l’individu doit être en mesure d’anticiper son avenir. Chacun est un homo oeconomicus, disposant des ressources nécessaires pour préparer son avenir. Dans ce contexte, c’est à l’individu qu’il incombe de se prémunir contre les différents risques.
La société du risque se distingue ainsi par une libéralisation de la société à l’égard des anciennes instances protectrices et se traduit également par une disparition des classes sociales, une augmentation de la précarité des emplois ou encore par une mise en responsabilité de l’individu à l’égard de son parcours biographique. L’individu doit être en mesure d’adopter une posture réflexive vis-à-vis de sa trajectoire biographique et de son identité personnelle (Giddens, 1991), ce qui est source d’incertitude constante.
Bibliographie :
Beck Ulrich, (1994). « D’une théorie critique de la société vers la théorie d’une auto-critique sociale », Déviance et société. Vol. 18 – N°3. pp. 333-344.
Beck Ulrich, (2001). « La politique dans la société du risque », Revue du MAUSS, 2001/1 (no 17), p. 376-392.
Beck Ulrich, (2008). La société du risque, sur la voie d’une autre modernité [1986] trad.par L.Bernardi, Paris : Champs Essais, 521 p.
Giddens Anthony, (1991). Modernity and self-identity : self and society in the late Modern Age, Stanford : Stanford University Press, 256 p.
Giddens Anthony, (1994). Les conséquences de la modernité [1990] trad.par O.Meyer, Paris : L’Harmattan, 192 p.



Laisser un commentaire